Jour de Noël

Lectio Divina du 25 décembre 2022 : jour de Noël (année C)

Evangile de Jésus Christ selon st Jean (Jn 1, 1-18)

01 AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.
02 Il était au commencement auprès de Dieu.
03 C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
04 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
05 la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
06 Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.
07 Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui.
08 Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.
09 Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde.
10 Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu.
11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.
12 Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom.
13 Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.
14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
15 Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. »
16 Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ;
17 car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.
18 Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître.

Lecture ligne à ligne

01 AU COMMENCEMENT

Cela renvoie au premier verset de la Bible :
01 AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre. (Gn 1, 1)
Saint Jean fait commencer son Evangile comme la Bible… Et plus car si dans la Bible il y a un commencement de la Création mais que Dieu est déjà là à l’œuvre (ce qui montre son éternité), ici point de Création mais juste un commencement : Il va donc nous parler de Dieu, qui seul était là au commencement.

A nous de nous laisser interroger : que savons-nous de notre Créateur, de son projet de Création ? Savons-nous qu’Il est Père et qu’il crée par amour ? Quand nous commençons le Credo, pensons-nous parfois à cette association Père/Créateur ? (Je crois en seul Dieu le Père tout puissant Créateur…)

était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.

Le verbe à l’imparfait montre la présence du Verbe au commencement comme quelque chose de stable, d’installé. Non qu’il se mette à exister avec le commencement mais qu’il est là pour assister, pour initier le commencement. Nos mots de créature ne peuvent pas sortir du temps mais on devrait dire qu’il était là « avant » le commencement. Bien sûr « avant » le temps ne signifie rien puisque le mot est lié au temps. Peut-être devrions-nous dire que le Verbe est à l’origine du commencement et non le commencement à l’origine du Verbe…
Il est auprès de Dieu ce qui semble introduire une dualité mais il est Dieu ce qui montre une identité… Le Mystère de la Sainte Trinité commence à se dévoiler dès le premier verset de l’Evangile !

Et nous ? Bien souvent, nous avons du mal à nous lancer dans une réflexion ou une contemplation du mystère puisque nous savons déjà qu’il nous dépasse. Un mystère en effet est une vérité que nos intelligences créent et par le fait d’être limitées, elles ne peuvent cerner ou comprendre totalement, mais que Dieu nous a révélées pour notre bien, pour notre Salut. Si donc Dieu nous a dévoilé le mystère de sa Sainte Trinité, c’est pour que nous puissions le connaître et donc l’aimer tel qu’il est. Refuserons-nous à un Père très aimant qui se dévoile à nous d’accueillir une telle révélation ? Pouvons-nous vraiment ne pas chercher autant que nous le pouvons à connaître Celui que nous prétendons aimer ?

02 Il était au commencement auprès de Dieu.

Ce n’est pas seulement une redite. L’Evangéliste a d’abord présenté le Verbe dans son rapport à Dieu. Maintenant, il nous spécifie que c’est de Lui et non de Dieu qu’il va parler.

Et nous ? De qui parlons-nous quand nous parlons de Dieu ? De la Sainte Trinité ? du Père ? du Fils ? Du Saint Esprit ? et quand nous parlons à Dieu ? A qui nous adressons-nous ? Sommes-nous assez respectueux pour ne pas confondre ou rester dans le vague comme si nous n’avions pas des personnes en face de nous ? Avons-nous assez la foi pour nous tourner vers l’Un ou vers l’Autre ou vers les Trois en sachant pourquoi, pour qui ?

03 C’est par lui que tout est venu à l’existence,

Maintenant, l’Evangéliste affirme la divinité du Verbe d’une autre façon : Il est Créateur

Et nous ? Quand nous nous adressons au Fils, le Verbe de Dieu, nous parlons le plus souvent au Sauveur qui a pris notre condition humaine et qui s’est offert sur La Croix, Mais nous rappelons-nous aussi qu’il existe de toute éternité et qu’il est Dieu avant d’être homme ? Qu’il est aussi le Créateur avec le Père et le Saint Esprit ?

et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.

Il est Créateur, Il n’est pas un Créateur mais Le Créateur. Rien ne peut exister ou même être imaginé qui n’aurait été créé par Lui. Or, nous savons que le Père est Créateur, que l’Esprit est Créateur. Il s’agit donc ici d’une œuvre unique et commune aux trois Personnes divines. Saint Jean exclut d’emblée ceux qui voudraient se réclamer du Père en refusant le Fils ou en lui laissant une place subalterne.

Et nous ? Dans notre foi, le Christ a-t-il bien sa place auprès du Père, à égalité avec Lui ? Et le Saint Esprit ? pensons-nous vraiment qu’il « reçoit même honneur et même gloire » comme nous le disons dans le Credo ? Savons-nous à la fois égaler et distinguer les personnes pour les aimer d’un même Amour et les contempler chacune dans son mystère ?

04 En lui était la vie,

Introduction d’un nouveau mot, d’une nouvelle réalité : la vie. Peut-être pouvons-nous comprendre que Saint Jean nous parle ici de l’Esprit saint ? Dès le commencement, la Genèse place en effet l’Esprit à l’œuvre :
01 AU COMMENCEMENT, Dieu créa le ciel et la terre.
02 La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. (Gn 1, 1-2)
Comment alors imaginer que l’Evangéliste, qui a voulu renvoyer au début de la Genèse, ne continue pas dans le même sens. On trouve d’ailleurs dans le récit de la Création de l’homme :
07 Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. (Gn 2, 7)
Dans la première citation, c’est le « souffle de Dieu », dans la deuxième le « souffle de vie ». L’Esprit est toujours associé au souffle. Et ici, il est Souffle de vie, il est la vie. Qui d’ailleurs pourrait être dit « être dans le Verbe » sinon l’Esprit qui lui, est coéternel ?

Alors ? Avons-nous conscience de recevoir notre être de Dieu ? Notre Vie de l’Esprit ? En sommes-nous non seulement conscients mais reconnaissants ? Pouvons-nous chanter avec le psaume :
13 C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère.
14 Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis : étonnantes sont tes œuvres toute mon âme le sait. (ps 138, 13-14)

et la vie était la lumière des hommes ;

Saint Jean continue sa « nouvelle Genèse ». Aussitôt après avoir évoqué le souffle de Dieu, la Genèse déclare :
03 Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. (Gn 1,3)
Et voici que Saint Jean continue sur la lumière. Mais cette fois-ci, il ne s’agit plus de lumière créée mais de La lumière, la Lumière incréée et divine : l’Esprit. On trouve ainsi dans un psaume :
10 En toi est la source de vie ; par ta lumière nous voyons la lumière. (Ps 35, 10)
C’est bien en Dieu qu’est cette source comme vient de le dire st Jean : « En lui était la vie », et aussitôt le psaume enchaine sur la lumière de Dieu qui devient lumière pour nous, et donc « lumière des hommes ».

Et nous ? Comment nous laissons-nous illuminer par Dieu ? Acceptons-nous de suivre le chemin qu’Il nous trace ? Lui demandons-nous de nous éclairer quand nous sommes face à une énigme ou un obstacle. Demandons-nous son conseil ou sa sagesse pour discerner sa volonté, le Bien et le mal, notre vocation et notre mission ?

Et comme au début du prologue, Saint jean explique que le Verbe est à la fois auprès de Dieu et Dieu-même ; de même ici, il montre la vie, c’est-à-dire l’Esprit à la fois dans le verbe et à la fois égale à lui. En effet, la vie est lumière et la lumière des hommes est le Christ qui leur donne la vie :
12 De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie. » (Jn 8, 12)
Ce qui ne fait que continuer de nous plonger dans le mystère Trinitaire puisqu’ailleurs le Christ affirme :
26 Comme le Père, en effet, a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir, lui aussi, la vie en lui-même (Jn 5, 26)
La vie est alors soit un attribut propre à la divinité et commun au Père et au Fils pour montrer leur unité, ou bien l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils comme le rappelle le Credo.

Et nous ? Encore et toujours, contemplons la splendeur de la Trinité Sainte !

05 la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

Après la lumière, voici la mention des ténèbres, là encore comme dans la Genèse :
04 Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres.
05 Dieu appela la lumière « jour », il appela les ténèbres « nuit ». (Gn 1, 4-5)
Si dans la Genèse, Dieu sépare la lumière et les ténèbres, il ne s’agit pas ici de lumière créée mais de La Lumière éternelle. Celle-ci ne saurait être exclue de nulle part, pas même des ténèbres. Ainsi commence le combat entre lumière et ténèbres, et la lumière n’a pas été arrêtée, elle ne peut être vaincue.
Ce combat pourtant se continue au cœur de l’homme qui peut non vaincre mais refuser la lumière :
19 Et le Jugement, le voici : la lumière est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises.
20 Celui qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dénoncées ;
21 mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu’il soit manifeste que ses œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. (Jn 3, 19-21)

Et nous ? Pouvons-nous en toute franchise affirmer que nous n’avons pas « préféré les ténèbres à la lumière » ? Sommes-nous de ceux qui font la vérité et viennent à la lumière ? Combien de fois j’entends dire que le sacrement de la Réconciliation est une culpabilisation dont on ne veut pas (on préfère donc rester dans ses ténèbres ?) quand au contraire, il est libération, réconciliation (il fait venir à la lumière !) ?

06 Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean.

Voici maintenant deux versets qui parlent de Jean la Baptiste. Dieu va nous envoyer le Verbe, la lumière des hommes. Mais pour préparer cela, Il nous envoie un homme. Son nom est Jean c’est-à-dire « Dieu fait grâce » ou « don de Dieu ». Il s’appelle ainsi, il est ceci. Dieu donne ce qui est nécessaire pour donner plus encore et que nous puissions mieux recevoir et profiter de ce qu’Il donne. Et ultimement, Il se donne Lui-même !

Et nous ? Sommes-nous capables d’accueillir le don de Dieu ? Et de nous préparer à recevoir plus encore, à le recevoir Lui-même ?

07 Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière,

Jean est un Don de Dieu, Jean est un envoyé de Dieu, Jean est un témoin. Un témoin est quelqu’un qui a vu quelque chose ou quelqu’un et qui dit ce qu’il a vu ou entendu. Jean est témoin de la lumière, et la lumière, c’est le Christ :
09 Le Verbe était la vraie Lumière (Jn 1, 9)
Il est venu pour que nous reconnaissions la lumière que nous n’avions jamais vue : la lumière de Dieu et que nous puissions nous laisser illuminer par cette lumière nouvelle.

Et nous ? Savons-nous que nous vivons dans un monde de ténèbres, de péchés, de tentations ? Et savons-nous que dans ces ténèbres il y a la lumière de Dieu ? Que dans ce péché, il y a la miséricorde de Dieu ? Dans ces tentations, nous avons un frère ainé qui nous guide, le Christ !

afin que tous croient par lui.

Un témoin n’est pas une preuve, c’est beaucoup plus ou beaucoup moins. Si on lui fait confiance, c’est beaucoup plus car ce qui a été vu est plus sûr que ce qui a été conçu ou découvert par la science. Mais si on ne lui fait pas confiance, ce qu’il dit ne sert à rien.
Mais un témoin peut aussi permettre de comprendre ce qui semble ne pas avoir de sens. Et comment comprendre que l’Amour du Dieu Tout-Puissant soit si grand qu’Il vienne jusqu’à nous, et devienne l’un de nous !

Et nous ? Quels ont été « nos Jean Baptiste » ? Quelle confiance avons-nous en eux ? Que nous ont-ils appris sur le Christ ? Comment le voyons-nous ? Arrivons-nous à reconnaître celui qui est à la fois vrai Dieu et vrai Homme ?

08 Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière.

Dans leur enthousiasme, les gens auraient eu tendance à confondre le témoin et celui dont il témoigne. L’évangéliste rappelle qui est le Créateur et qui est la créature.

Et nous ? Savons-nous en contemplant la Création découvrir le Créateur ?

09 Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde.

La méditation de St Jean dans ce prologue rejoint la prière de Zacharie dans l’Evangile de St Luc, Jean le Baptiste prépare à accueillir la « vraie lumière :
tu marcheras devant, à la face du Seigneur, et tu prépareras ses chemins
77 pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés,
78 grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en haut,
79 pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l’ombre de la mort, pour conduire nos pas au chemin de la paix. » (Lc 1, 76-79)
Or cette lumière, nous la proclamons pour ce qu’elle est chaque fois que nous proclamons le Credo :
Il est Dieu né de Dieu Lumière née de la lumière, vrai Dieu n é du vrai Dieu
Et cette lumière est pour tous, pour sauver tous les hommes, le credo l’affirme encore :
Pour nous les hommes et pour notre Salut…

Et nous ? Avons-nous bien compris que la foi n’est pas une morale, que Dieu n’est pas celui qui définit un cadre, mais que la foi est d’abord une rencontre car la lumière, c’est Dieu, et Il veut illuminer notre chemin qui reste libre et personnel ?

10 Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu.

Le mot « monde » dans l’Evangile de Saint Jean porte une ambiguïté. Le monde est la Création de Dieu, elle est habitée par les hommes marqués par le péché mais destinés à être sauvés. Le monde est aussi la Création déchue, marquée par le péché et livrée à Satan « prince de ce monde » est vouée à disparaître.
Le verset 10 est typique : le monde est « venu par Lui à l’existence », il s’agit donc de la Création bonne et faite pour être sauvée. D’ailleurs, « Il était dans ce monde ». Mais en même temps « le monde ne l’a pas reconnu » car il est dominé par le péché et incapable de reconnaître le Sauveur.
Ainsi le monde devrit être un signe qui nous tourne vers Dieu mais il devient parfois l’occasion de se perdre comme l’explique si bien Saint Paul :
20 Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité. Ils n’ont donc pas d’excuse,
21 puisque, malgré leur connaissance de Dieu, ils ne lui ont pas rendu la gloire et l’action de grâce que l’on doit à Dieu. Ils se sont laissé aller à des raisonnements sans valeur, et les ténèbres ont rempli leurs cœurs privés d’intelligence. (Rm 1, 19)
Cela fait d’ailleurs écho à la prière de Jésus :
21 À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance.
22 Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Lc 10, 21-22)
L’évangéliste joue sur l’ambiguïté et montre ainsi un rendez-vous manqué.

Et nous ? Serons-nous donc dans le monde ou du monde ? Comment saurons-nous correspondre à la prière du Christ :
13 Et maintenant que je viens à toi, je parle ainsi, dans le monde, pour qu’ils aient en eux ma joie, et qu’ils en soient comblés.
14 Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a pris en haine parce qu’ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi je n’appartiens pas au monde.
15 Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais.
16 Ils n’appartiennent pas au monde, de même que moi, je n’appartiens pas au monde. (Jn 17, 13-16)

11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.

Peut-être l’Evangéliste parle-t-il de toute la Création qu’il a faite lui-même et donc dans laquelle le Christ devrait être chez Lui mais sans doute faut-il plutôt voir ici le choix, l’élection d’un peuple et donc entendre « les siens » et « chez Lui » comme une précision pour parler du Peuple de Dieu en particulier. Ainsi, on trouve dans le livre de Ben Sirac
07 Parmi eux tous, j’ai cherché le lieu de mon repos, une part d’héritage où m’établir.
08 Le Créateur de toutes choses m’a donné un ordre, celui qui m’a créée a fixé ma demeure. Il m’a dit : “Viens demeurer parmi les fils de Jacob, reçois ta part d’héritage en Israël, enracine-toi dans le peuple élu.”
09 Dès le commencement, avant les siècles, il m’a créée, et pour les siècles je subsisterai ;
10 dans la demeure sainte, j’ai assuré mon service en sa présence. Ainsi, je me suis fixée dans Sion,
11 il m’a fait demeurer dans la cité bien-aimée, et dans Jérusalem j’exerce ma puissance. (Si 24, 7-11)
Et puisqu’il est évoqué ici une demeure sainte où s’exerce le service en sa présence, à Sion, comment ne pas évoquer le Temple dont Jésus lui-même a dit :
46 « Il est écrit : Ma maison sera une maison de prière. Or vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » (Lc 19, 46)
Ainsi n’était-il pas reçu non seulement en tant que Christ venu dans le monde mais même à travers toute la Révélation : les prophètes et la loi symbolisés par le Temple et ses pratiques.

Et nous ? Sommes-nous du nouveau Peuple de Dieu ? Les siens qui l’accueillent dans ce monde ? Nous devons montrer au Seigneur notre joie de croire, non seulement en ayant foi en lui mais aussi en modelant notre vie en fonction de cette foi : prière, pratique des sacrements, lecture de la Parole de Dieu, vie en Eglise et service des frères.

12 Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom.

Il existe donc bien des personnes qui sont dans le monde, pas du monde comme nous l’avons rappelé plus haut. Ce sont ceux qui ont la foi au Christ. Et à ceux-là il n’est pas promis seulement une récompense mais un être et une vie nouvelle que nous possédons déjà en Espérance et que Dieu révèlera :
02 Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. (1 jn 3, 2)

Après avoir interrogés notre foi, nous voici donc questionnés sur notre Espérance : sommes-nous vraiment capables d’espérer « être semblable à Lui » et le voir « tel qu’Il est » ?

13 Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu.

Nous mettons en parallèle avec :
07 Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres, puisque l’amour vient de Dieu. Celui qui aime est né de Dieu et connaît Dieu. (1jn 4, 7)
Notre naissance, nous la devons à l’Amour, ou plutôt à l’Amour, Celui qui vient de Dieu. Pour nous, c’est particulièrement le baptême qui en est la source. Et ce jour-là en effet, nous sommes plongés dans la mort du Christ car comme dit st Paul :
8 Et si nous sommes passés par la mort avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. (Rm 6, 8)
Or il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (cf Jn 15, 13) et c’est sur la Croix que Jésus le Christ donne sa vie pour nous. Unis à son acte ultime d’Amour, nous naissons donc de l’Amour de Dieu. C’est ainsi que nés de nos parents, nous allons renaître de l’Esprit comme Jésus l’a expliqué à Nicodème :
03 Jésus lui répondit : « Amen, amen, je te le dis : à moins de naître d’en haut, on ne peut voir le royaume de Dieu. »
04 Nicodème lui répliqua : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une deuxième fois dans le sein de sa mère et renaître ? »
05 Jésus répondit : « Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
06 Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. (Jn 3, 3-6)
Et puisqu’i s’agit de naître « de l’eau et de L’Esprit » c’est bien du Baptême que nous parle Jésus.

Encore une fois, ce n’est pas tant notre foi qui est éclairée car nous savons tout cela mais notre capacité à nous en émerveiller, notre gratitude et notre louange qui sont interrogées : Est-ce que je rends grâce quotidiennement à Dieu de m’avoir créé et de m’avoir fait renaître par le baptême, non de la chaire et du sang mais de Dieu-même ?

14 Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous,

Voici le verset sans doute le plus connu de ce prologue : l’énoncé même du mystère de l’incarnation. Dieu s’est fait chair. Notons qu’il n’est pas écrit : Dieu a pris chair mais s’est fait chair. La chair n’est pas quelque chose d’extérieure que le Verbe aurait pris, ce serait adjoint comme de l’extérieur. Son humanité ne fait qu’un avec lui.
De même que notre esprit et notre corps sont deux choses différentes mais non pas distinctes comme si l’un appartenait à l’autre ou que leur union était fictive ou accidentelle : je suis mon corps, je suis mon esprit, je suis les deux ! Et si à ma mort, mon corps retourne à la poussière, il ressuscitera de telle sorte que je sois vraiment moi-même, tout entier dans l’éternité. Ainsi l’humanité du Christ n’est pas une chose extérieure ou ajoutée mais elle fait authentiquement partie de Lui de sorte qu’il n’y a plus de Fils de Dieu qui ne soit homme en même temps et autant qu’il est Dieu.
« Il a habité parmi nous » insiste ici sur l’identité humaine du Christ. Si l’on peut toujours rapprocher cela du verset « il est venu chez Lui », c’est surtout parce que ce chez Lui est symbolisé par le Temple que Jésus lui-même a identifié à son corps :
19 Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. »
20 Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
21 Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. (Jn 2, 19-21)
Il semble pourtant que le « chez nous » ici parle plutôt de la maison commune, notre terre, l’habitat de toute l’humanité. De sorte que nous pouvons tous nous sentir concernés par cette incarnation du Sauveur.

Et nous ? Savons-nous nous mettre à genoux et contempler le Christ qui vient parmi nous, chez nous : Dans le petit enfant de Bethléem, dans la petite hostie sur l’autel, dans le plus petit de ses frères auxquels Il veut s’identifier ?

et nous avons vu sa gloire,

Nous avons déjà expliqué que la gloire est la manifestation de l’infini de Dieu dans le fini du monde créé. Si les disciples ont vu sa gloire, c’est donc qu’ils ont vu la divinité du Christ au-delà de son humanité. Ils l’ont vu le jour de la transfiguration, Ils l’ont aperçue travers tous les signes qu’il a réalisés. Ils l’ont contemplée particulièrement par sa Résurrection, sa victoire sur la mort et son ascension dans le ciel.

Et nous ? par notre foi et notre Espérance, sommes-nous capables de contempler la gloire du Fils de Dieu ?

la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique,

On rejoint encore le mystère Trinitaire en voyant qu’il n’y a qu’une seule gloire qui appartient en propre à chacun (nous avons vu sa gloire) mais qui est pourtant commune aux trois ‘il la tient du Père). Ainsi, dit-on dans le Credo de l’Esprit Saint : Il reçoit même adoration et même gloire.

Alors ? Savons-nous rendre adoration et gloire au Père, au Fils et au Saint Esprit ?

plein de grâce et de vérité.

Juste un petit arrêt sur cette expression. La Grâce est le don gratuit de Dieu, alors comment le Fils lui-même, qui est Dieu pourrait-il être plein de grâce, du don de Dieu ? Voici une manière d’apercevoir combien l’incarnation demeure un mystère. En tant que Dieu, Il est l’auteur de la Grâce, en tant qu’homme, il en est le réceptacle. Et comment n’en serait il comblé, lui qui est uni à l’auteur même de la grâce ? Ainsi est-il en même temps celui qui donne et celui qui reçoit sans qu’il n’y ait confusion entre l’une est l’autre de ses natures, sans qu’il y ait pourtant séparation entre les deux, il n’y a qu’un seul Seigneur !
On note que l’ange déclare aussi Marie pleine de Grâce, ce qui nous montre à quel point elle est unie à son fils.

Alors, puisque nous serons semblables à lui (1Jn 3, 2) nous serons nous-aussi, comme la Vierge, comblés de grâce, mais nous y préparons-nous vraiment en faisant vivre la grâce en nous ?

15 Jean le Baptiste lui rend témoignage en proclamant : « C’est de lui que j’ai dit : Celui qui vient derrière moi est passé devant moi, car avant moi il était. »

Revoici le témoin Jean. Il ne témoigne plus seulement de la lumière, ni même du fait que le Christ accomplit les écritures, mais il témoigne de la divinité préexistante du Christ. Ainsi, comme homme il vient après Jean (6 mois après) ; comme Messie, il passe devant Lui car Jean n’est qu’un prophète, le précurseur ; comme Dieu, Il était avant Lui car il existe de toute éternité.

Alors ? Acceptons-nous ce témoignage pour proclamer Jésus-Christ, vrai Dieu et Vrai homme ?

16 Tous nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce ;

Saint Jean pense peut-être à tout ce qu’Il a partagé avec le Christ durant les trois ans de sa vie publique. Mais le « tous » est sans doute au-delà des disciples, l’humanité entière qui, partageant avec lui la condition humaine, voit celle-ci transformée pour devenir capable d’une telle union à Dieu. La plénitude du Christ est en effet d’être Dieu même ; partager sa plénitude est donc être associé à sa divinité. Mais cela nous arrive en partie parce que nous partageons son humanité. Cela nous arrivera totalement quand « nous serons semblable à lui » (cf1, Jn 3, 1)
La première des grâces que Dieu nous fait est de nous créer. Nous ayant créés, il nous aime : grâce pour grâce. Nous aimant, il nous sauve grâce pour grâce…

Et Nous saurons-nous être dans l’action de grâce en retour de ces grâces ?

17 car la Loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ.

On trouve déjà ici le thème très développé chez St Paul de la différence entre la loi et la grâce. C’est le cœur de la lettre aux Galates, par exemple :
nous avons reconnu que ce n’est pas en pratiquant la loi de Moïse que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru, nous aussi, au Christ Jésus pour devenir des justes par la foi au Christ, et non par la pratique de la Loi, puisque, par la pratique de la Loi, personne ne deviendra juste. (Ga 2, 16)
et juste après :
21 Il n’est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c’était par la Loi qu’on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien. (Ga 2, 21)
La loi permet au peuple de connaître la volonté de Dieu et d’éviter le péché, mais la grâce fait connaître Dieu même et obtient le pardon des péchés ce qui est bien supérieur.

Et nous ? vivons-nous notre relation avec le Seigneur comme une vie de devoir et de soumission ou comme une vie de liberté et de confiance ? Comme des esclaves ou comme des enfants ? Le devoir est une chose magnifique quand il est compris comme la responsabilité liée à notre choix d’être au Christ, choix libre et amoureux qui fait du devoir la manifestation de notre amour, et l’abandon à la miséricorde de Dieu.

18 Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père, c’est lui qui l’a fait connaître.

On retrouve ici un parallèle déjà évoqué avec l’évangile de Saint Luc :
22 Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » (Lc 10, 22)
Ce que Jésus a dit, Jean l’a si bien assimilé qu’il le redit avec ses propres mots. Et voici donc la promesse ultime de Noël : si nous avons contemplé le mystère de l’incarnation dans le Verbe fait chair, nous en apercevons maintenant la promesse : nous connaîtrons Dieu tel qu’Il veut lui-même se révéler à nous.

En guise de conclusion :
Le Prologue de Saint Jean a donc été judicieusement choisi pour la fête de Noël. Aucun texte ne nous parle avec autant de force du double mystère chrétien : La Trinité et l’Incarnation. Par lui, nous contemplons le Verbe au sein de Dieu, le Verbe qui se fait chair, le Verbe parmi nous, le Verbe en nous, le Verbe qui nous unit à lui, nous en Lui.
Si notre intelligence est dépassée, notre cœur entre en contemplation et notre esprit jubile. Jamais on n’a entendu plus grande nouvelle, plus grande joie pour tout le peuple :

  • Le verbe s’est fait chair
  • A tous ceux qui ont cru en lui, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu
  • Nous avons reçu grâce pour grâce
  • Le Fils, c’est Lui nous a fait connaître le Père!

 

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