Évangile de dimanche 27 novembre

Lectio Divina du dimanche 27 novembre 2022 : 1er de l’Avent (A)

Evangile de Jésus Christ selon st Matthieu (MT 24, 37-44)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :37 Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme.
38 En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ;
39 les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis : telle sera aussi la venue du Fils de l’homme.
40 Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé.
41 Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée.
42 Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.
43 Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.
44 Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.

  • Réflexion ligne à ligne pour aider et guider la lectio divina

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :37 Comme il en fut aux jours de Noé, ainsi en sera-t-il lors de la venue du Fils de l’homme.

Tout ce chapitre de l’Evangile de Saint Matthieu est consacré aux « discours eschatologiques : les disciples ont commencé par admirer le temple et Jésus a prophétisé sa ruine (Mt 24, 1-2). Les disciples lui demandent alors « quand » (Mt 24, 3) et il répond : « non » en donnant une date, ni même une indication de date, mais en annonçant les fléaux et calamités auxquels tous les hommes seront confrontés pour que s’accomplissent les temps fixés par le Père et la persévérance qui sera attendue et même exigée des disciples. Il conclut par la fameuse affirmation :
36 Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges des cieux, pas même le Fils, mais seulement le Père, et lui seul. (Mt 24, 36)
Le temps est donc dans la main de Dieu et lui seul. Cela ne signifie pas que le Fils ne soit pas Dieu, comme le pensait les ariens, membres de la plus terrible des hérésies que l’Eglise ait affrontée, mais que même le Fils, qui est Dieu en tant qu’homme, ne sait pas cela car cela n’appartient qu’à Dieu.
Jésus ensuite, et voilà le texte que nous commençons à lire, se sert du passé pour annoncer cet avenir dont nous ne connaissons pas la date mais dont nous savons avec certitude qu’il vient. Et ce passé est celui de Noé. L’épisode du déluge est par excellence une image de jugement et de purification de la terre et de la Création :
05 Le Seigneur vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre, et que toutes les pensées de son cœur se portaient uniquement vers le mal à longueur de journée.
06 Le Seigneur se repentit d’avoir fait l’homme sur la terre ; il s’irrita en son cœur et il dit :
07 « Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j’ai créés – et non seulement les hommes mais aussi les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel – car je me repens de les avoir faits. »
08 Mais Noé trouva grâce aux yeux du Seigneur.
Tout part de la méchanceté et du péché de l’homme. La manière très « anthropomorphe » de décrire la pensée de Dieu ne doit pas nous égarer : nous savons que Dieu est parfait et éternel, il n’y a donc pas en lui de place pour l’irritation ou le repentir. Mais ces mots sont utilisés pour nous faire saisir l’insaisissable. Tout d’abord, nous entendons que c’est une décision qui appartient à Dieu et à lui seul, d’où le « en son cœur » (V 6) et qu’elle est réfléchie et non une colère ou un coup de tête. C’est pourquoi, bien qu’irrité, il prend le temps de dire et formuler ce qu’il veut faire. Ensuite, nous entendons que tout part du péché de l’homme mais aussi que même les bestiaux, bestioles et oiseaux seront « effacés » (V 7) alors qu’à l’évidence, ils n’y sont pour rien. Cela montre la toute puissance de Dieu qui n’est pas en guerre contre l’homme mais qui est maître de tout, pas seulement de l’homme et décide donc souverainement de l’avenir des pécheurs mais du reste aussi.
Et aussitôt, il est fait mention de Noé qui trouve grâce, ce qui montre que Dieu ne condamne pas le juste et l’injuste ensemble. Ainsi, savons-nous que cette décision libre et souveraine reste juste et non tyrannique, que la puissance exercée n’est pas aveugle mais qu’elle est toujours dans l’amour puisque celui qui l’aime, Dieu le considère et le sauve.
Une décision libre, réfléchie et pleine d’amour, de purifier le péché mais de sauver ce qui est saint, voilà donc le jour de Noé qui nous est donné en comparaison de la venue du Fils de l’homme !

Et nous ? Sommes-nous prêts à respecter la liberté souveraine de Dieu, même quand son œuvre nous parait incompréhensible ? Quand nous avons que certains malades sont sauvés et guéris à la prière de leurs proches et pas d’autres, quand nous entendons parler de maladie ou d’accident survenue à des enfants, à des parents en charge de jeunes enfants… Sommes-nous prêts à ressentir tristesse, colère et révolte contre le mal pour lutter contre lui, mais en gardant l’espérance et la foi en Dieu qui peut tirer d’un mal, un bien et qui fait tout concourir au bien de ceux qui l’aiment, comme nous le rappelle Saint Paul :
28 Nous le savons, quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. (Rm 8, 28)
Pouvons-nous lui faire confiance et lui abandonner les victimes, et coopérer avec Lui (science, prévention, partage, œuvres de charité…) pour que le mal sous toutes ses formes n’ait plus le dernier mot ?

 

38 En ces jours-là, avant le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et on prenait mari,

Les quatre actions ici reprises sont des témoignages de la vie quotidienne, la plus simple et en même temps la plus nécessaire qui soit : Ce sont les éléments de survie personnelle (manger et boire) ou de la survie de l’espèce humaine (composition de famille). Mais il s’agit aussi de souligner des choses qui sont heureuses et agréables. Il n’est point fait mention des efforts et du travail nécessaire mais seulement de la récompense : manger et boire. Il est aussi question de ce qui comble les hommes : l’amour, les noces, la famille. Ainsi Jésus attire l’attention sur le fait que la fin viendra aussi nous cueillir dans notre vie quotidienne, et que malgré les annonces de signes et de fléaux terribles, la fin vient pour certains, alors que la vie est simple, paisible et même heureuse. Autrement dit, il n’y a pas de certitudes ou de signes incontournables, cela peut arriver à n’importe qui et n’importe quand.

Et nous ? Savons-nous que notre fin sur terre peut arriver à tout instant ? Il ne s’agit pas de vivre dans la peur mais dans la vigilance ; il ne s’agit pas de trembler mais d’être prêt. Et si le Seigneur survenait maintenant, et si ma mort était pour aujourd’hui, comment paraîtrais-je devant mon Dieu ? Si cela m’inquiète, il est temps de se convertir et de se repentir : il existe un sacrement pour obtenir le pardon et des comportements qui nous préparent à cette rencontre, dont la liste la plus accessible est sans doute celle des béatitudes :
01 Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
02 Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
03 « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
04 Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
05 Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
06 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
07 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
08 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
09 Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés. (Mt 5, 1-12)


jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ;

Il y a un changement très clair entre les temps avant le déluge du début du verset, où sont mentionnés des habitudes et un quotidien qui a duré, et ces quelques mots qui désignent un instant et une date précise. Cela nous montre que Dieu est maître du temps. S’il veille et connaît le temps et toute son extension, il produit lui-même des temps particuliers, des moments précis où tout change, où tout peut arriver.
Le grec ancien avait deux mots différents : le mot Chronos désigne le temps qui passe et s’écoule, le temps de nos vies et de l’Histoire. Dieu en est le maître et il fait converger tout ce temps vers sa fin, vers ce qu’il veut ; le mot Kairos désigne le temps dans sa singularité. C’est le temps, l’époque, le moment précis où Dieu intervient dans l’histoire pour que son œuvre soit accomplie. Le « jour où Noé entra dans l’arche »  relève du kairos ! Mais pour nous, cela renvoie à quelque chose de plus connu : quand Jésus parle de son heure. C’est ainsi qu’il répond à sa mère qui le sollicite lors des noces de Cana :
« Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. » (Jn 2, 4)
Mais à la Samaritaine, il dira :
« Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.
22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
23 Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Et à ceux qui veulent le tuer, ceux qui n’acceptent pas son message, Jésus annonce aussi ce moment décisif et le Salut qu’il va opérer :
25 Amen, amen, je vous le dis : l’heure vient – et c’est maintenant – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront.
26 Comme le Père, en effet, a la vie en lui-même, ainsi a-t-il donné au Fils d’avoir, lui aussi, la vie en lui-même ;
27 et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement, parce qu’il est le Fils de l’homme.
28 Ne soyez pas étonnés ; l’heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix ;
Puis, voyant venir l’accomplissement de sa mission, il déclare aux disciples :
23 Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.
24 Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
25 Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
26 Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.
27 Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !
Et c’est ainsi qu’au début de la passion, le même saint Jean nous explique :
02 Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer,
03 Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,
04 se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture 
Jésus, qui est Dieu, connaît cet instant et agit en conséquence.
Les disciples donc demandaient une date du temps (chronos) mais Jésus leur annonce un instant (Kairos) qui sera le sommet du temps et bouleversera celui-ci.

Et nous ? Comment vivons-nous le temps qui nous est donné ? Nous devons y voir une durée, une période qui nous est donnée pour faire le bien, car c’est pour cela que le Seigneur, maître du temps (Chronos) nous le donne comme l’explique si bien Saint Pierre :
08 Bien-aimés, il est une chose qui ne doit pas vous échapper : pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour.
09 Le Seigneur ne tarde pas à tenir sa promesse, alors que certains prétendent qu’il a du retard. Au contraire, il prend patience envers vous, car il ne veut pas en laisser quelques-uns se perdre, mais il veut que tous parviennent à la conversion. (2 Pi 3, 8-9)
Mais nous devons aussi y voir l’occasion de rencontrer le Seigneur, le temps (Kairos) est alors l’instant où le Seigneur surgit dans nos vies, et si nous savons regarder, chaque instant est ainsi car la présence de Dieu est toujours agissante dans nos vies… Regardez par exemple ce qui se passe en vous à la lecture de cet évangile, que vous dit-il de Dieu ? que renforce-t-il dans votre foi et votre espérance ? Vous aide-t-il à mieux aimer Dieu ? Voilà un magnifique Kairos !
Et chacun de ces instants nous prépare à celui, ultime et définitif, où le Seigneur décidera de mettre fin à l’Histoire et de surgir dans sa gloire pour tous. C’est pour cela que la lettre de saint Pierre continue aussitôt :
10 Cependant le jour du Seigneur viendra, comme un voleur. Alors les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, la terre, avec tout ce qu’on a fait ici-bas, ne pourra y échapper.
11 Ainsi, puisque tout cela est en voie de dissolution, vous voyez quels hommes vous devez être, en vivant dans la sainteté et la piété,
12 vous qui attendez, vous qui hâtez l’avènement du jour de Dieu, ce jour où les cieux enflammés seront dissous, où les éléments embrasés seront en fusion.
13 Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice.
14 C’est pourquoi, bien-aimés, en attendant cela, faites tout pour qu’on vous trouve sans tache ni défaut, dans la paix.
15 Et dites-vous bien que la longue patience de notre Seigneur, c’est votre salut,
Le temps ainsi compris attise notre foi et notre espérance car Il viendra. Il nous pousse à la vigilance et à la conversion pour notre sainteté et piété, pour que nous soyons sans défaut et sans tâche dans la paix. Et il y a un dernier mystère plus grand encore que nous révèle cette compréhension du temps. Nous, qui attendons la fin des temps, le Kairos final, nous agissons bien pour y être prêts. Or Dieu patiente pour nous laisser le temps de la conversion. Vivre en convertis, c’est donc supprimer les raisons de la patience de Dieu : Il peut venir, nous sommes prêts ! Ainsi nous hâtons l’avènement du jour de Dieu ! Ceci n’est pas une découverte. En effet, chaque jour, nous disons dans le Notre Père : « que ton règne vienne » (une traduction plus exacte serait : « que ton règne arrive » car elle montre mieux notre désir impatient, notre envie de voir enfin ce jour-là). Cette demande n’est pas seulement la traduction d’un désir mais aussi l’affirmation que nous nous tenons prêts, que Dieu n’a plus à attendre, que nous voulons « hâter son avènement ».

39 les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a tous engloutis :

Voici un avertissement on ne peut plus clair. La toute puissance de Dieu lui permet d’être maître du temps et des éléments. Il n’y a pas un signe avant-coureur qui nous préviendra ou nous réveillera. Nous n’avons pas d’autres choix que de nous tenir prêts à tout instant, car à tout instant, le Seigneur peut bouleverser totalement nos vies et notre monde. Il y a là une question de foi : croire que le jour vient, une question d’amour : attendre et désirer cette rencontre, une question d’Espérance : vivre déjà dans l’intimité avec ce Dieu qui vient et donc persévérer dans la vie droite qui est déjà vie avec Dieu dans le temps, préfiguration de la vie éternelle. C’est pourquoi la promesse du Seigneur concerne à la fois ce temps et l’éternité :
29 Jésus déclara : « Amen, je vous le dis : nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre
30 sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et terres, avec des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle. (Mc 10, 29-30)

Et Nous ? Est-ce que les trois vertus de foi, espérance et charité, guident toutes nos actions pour que nous recevions dès ici-bas sa récompense et surtout que nous soyons prêts quand le Seigneur viendra ?
Et à tous ceux qui ont l’impression que la vie droite devient alors un marchandage, un intérêt et perd sa gratuité, rappelons d’abord que cette promesse vient conclure le passage du jeune homme riche à qui il est dit :
« Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » (Mc 10, 21)
Ce qui signifie que la récompense n’est pas un bien matériel mais un trésor du ciel (dont nous pouvons, par l’espérance, profiter dès aujourd’hui). Rappelons ensuite que c’est le Seigneur lui-même qui fait la promesse et qu’Il sait mieux que nous ce qui est bon pour nous… Comprenons enfin que si nous voulons être désintéressés, ce n’est pas de tout mais de tout ce qui n’est pas Dieu et son amour. Or telle est précisément cette promesse qui nous donne au centuple tout ce que nous aimons (personne ou biens). En effet, que signifierait recevoir cent pères ou cent mères ? Mais le chiffre cent témoigne d’une plénitude, d’un accomplissement et seul Dieu est plénitude et accomplissement de la paternité. Il s’agit donc de recevoir dès maintenant Dieu pour Père !

telle sera aussi la venue du Fils de l’homme.

C’est la deuxième fois que Jésus nous dit cela. La première fois, il insistait sur le jour de Noé qui bouleverse tout ; maintenant, il insiste plus sur l’ignorance des hommes de cette époque-là et donc de toutes les époques. Puisque sa venue nous surprendra dans l’ignorance de ce qui arrive, du moins qu’elle ne nous surprenne pas dans l’ignorance de la volonté de Dieu. Soyons attentifs et faisons sa volonté pour qu’il nous trouve prêts. Voila qui nous renvoie à une autre demande de la prière dominicale : « que ta volonté soit faite »

Et nous ? Sommes-nous prêts à parier un peu comme nous y invitait le philosophe Pascal ? Pour caricaturer sa pensée, il disait (que les fervents disciples de Pascal me pardonnent ces raccourcis) : « si je fais la volonté de Dieu et qu’il existe, je serai récompensé et je gagnerai la vie éternelle qui m’est promise ; si Dieu n’existe pas et que j’ai fait ce que je croyais être sa volonté, j’ai bien vécu, j’ai fait le bien pour moi et mes enfants, je n’ai rien perdu. Ainsi, je suis gagnant quoiqu’il arrive. Pour nous qui avons la foi, et savons que Dieu existe et veut nous sauver, le pari n’est plus sur l’existence de Dieu comme Pascal le proposait aux incroyants, mais sur la façon de vivre au quotidien dans l’attente du Seigneur. S’il vient maintenant, il me trouvera prêt, s’il patiente encore, j’aurai fait le bien et je me serais préparé et entrainé pour le jour où il viendra et me trouvera prêt. Ainsi, je ne suis jamais en défaut car je compte sur sa venue à chaque instant et quoiqu’il arrive, je finirai par gagner car le Seigneur vient !

40 Alors deux hommes seront aux champs : l’un sera pris, l’autre laissé. 41 Deux femmes seront au moulin en train de moudre : l’une sera prise, l’autre laissée.

Ces deux versets peuvent être pris ensemble, tant ils se répondent. Il y a la partie commune : « l’un sera pris (e), l’autre laissé (e). Ensuite vient le parallèle : hommes et femmes, et les activités qui leur conviennent : les champs ou le moulin. Voilà qui permet de comprendre que le Seigneur s’adresse à tous (homme et femme) et que pour tous, le jour de Dieu surgira dans la vie quotidienne (les champs, le moulin).
Mais si on parlait de la fin des temps, quelque chose devrait nous surprendre : comment imaginer que quelqu’un soit laissé ? Le jugement alors sera universel et pour tous.
Il faut donc peut-être comprendre que celui, qui est laissé, est celui qui refuse d’être pris dans l’amour de Dieu et emporté dans la vie éternelle : voici la damnation…« pris ou laissé » correspond alors à « sauvé ou damné ». Cela a alors le mérite de nous montrer que, si le Salut est un acte positif de Dieu (prendre), la damnation est quelque chose de passif (laisser) car ce n’est pas Dieu qui condamne, mais bien l’homme qui refuse d’être pris.
Mais peut-être aussi faut-il comprendre que le Seigneur ne parle plus de la fin des temps mais de la fin de notre vie terrestre et personnelle. Elle peut arriver subitement et quand nous ne nous y attendons pas. L’un continuera alors sa vie, il sera laissé dans ce monde quand l’autre sera enlevé de la vie terrestre pour être pris auprès de Dieu. N’est-ce pas ce que nous constatons si souvent quand nous vivons des accidents ou affrontons la maladie ?

Et nous ? Si le « sort » aveugle tombe sur nous, serons-nous prêts pour que ce ne soit plus une fatalité tragique (ce le sera pour notre entourage) mais une réalisation de la providence qui nous aura pris au moment opportun pour que nous ayons le Salut et la vie éternelle ? Et quand nous sommes frappés par un tel événement tragique, quelles que soient les circonstances de la disparition de ceux que nous aimons, aurons-nous assez de foi, d’espérance et d’amour pour que notre deuil (Il y aura forcément un temps de tristesse dû à la séparation) se change en joie (car nous saurons celui que nous aimons dans la joie de l’éternité) comme le dit le psaume :
09 Et j’ai crié vers toi, Seigneur, j’ai supplié mon Dieu :
10 « A quoi te servirait mon sang si je descendais dans la tombe ? La poussière peut-elle te rendre grâce et proclamer ta fidélité ?
11 « Écoute, Seigneur, pitié pour moi ! Seigneur, viens à mon aide ! »
12 Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie. (Ps 29, 9-12)
C’est bien la confiance et la constance de la prière qui permet de comprendre que la tombe n’est pas la fin de tout et donc de passer du deuil à la danse et aux parures de joie. C’est ce que nous essayons d’initier lorsque nous célébrons les obsèques chrétiennes. Il ne s’agit pas de nier le deuil ou de l’effacer, mais d’y implanter une semence d’espérance, d’y indiquer une sortie du tunnel, pour qu’un chemin puisse se faire, pour qu’un avenir se dessine qui ne soit pas malheureux ou désespéré, mais qui découvre la joie des sauvés et la communion à vivre avec eux.

42 Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient.

Voici qui confirme la deuxième hypothèse : le Seigneur ne parle plus de la fin des temps mais bien du temps présent. Mais dans ce temps présent, il souligne l’arrivée imminente du Seigneur en utilisant le présent : « le Seigneur vient ». Cette arrivée imminente peut être le jour de notre mort qui peut survenir à tout instant, ou son retour dans la gloire qui, lui aussi, peut arriver n’importe quand. La seule chose dont nous soyons sûrs, c’est que le Seigneur vient. L’imminence peut nous paraître douteuse puisque cela fait plus de deux mille ans que la foi nous parle de l’imminence du retour. Mais n’oublions pas ce que nous avons déjà cité de la lettre de st Pierre :
 Pour le Seigneur, un seul jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un seul jour. (2 Pi 3, 8)
L’imminence est certaine, vue du point de vue de Dieu, qui par son éternité, est contemporain de chaque instant. Quant à nous qui sommes dans le temps, nous n’avons aucune idée de la date mais seulement qu’elle peut survenir maintenant et que nous devons donc être prêts maintenant. C’est le sens de l’exhortation : veillez !

Et nous ? Est-ce que nous considérons que cette venue du Christ dans nos vies est imminente ? Est-ce que nous nous comportons en conséquence ? Sans doute faisons-nous partie de cette majorité écrasante de chrétiens qui ne considère pas la fin du monde ou en tout cas qui ne la considère pas comme potentiellement imminente, mais pourrions-nous un instant l’envisager et regarder ce que cela implique pour nos vies, nos comportements, nos relations aux autres et à Dieu : Si je savais avec certitude (ce qui n’arrivera jamais) que le Seigneur manifestera sa gloire dans une heure, un jour ou même une semaine (ce qui arrivera peut-être), quelle serait donc mon attitude ?

43 Comprenez-le bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison.

Voici une mini parabole en une ligne seulement. Elle est curieuse car elle semble comparer le Seigneur avec un voleur : nous ne savons pas quand ils viendront … mais alors la maison représente nos vies ; le maître, c’est nous et nous nous opposerions à la venue du Seigneur ? Cela n’a pas de sens ! Ce n’est pas le Seigneur qui est comparé au voleur mais bien la venue du Seigneur, comparée à la venue du voleur. A ce moment-là, le mur percé n’est plus l’irruption de Dieu dans nos vies, mais la surprise de celui qui vit cette irruption. Le maître, c’est bien nous, et la maison : nos vies, mais ce que nous aurions dû refuser ou éviter, c’est la surprise, non la venue du Seigneur qui elle, est une joie.

Et nous ? Serons-nous surpris, ou bien l’attendons-nous, appelons-nous cette venue du Seigneur ? Sommes-nous sérieux quand nous prions : « que ton règne vienne » ? Le Seigneur sera-t-il obligé de « percer le mur de nos cœurs », faute d’avoir trouvée la porte ouverte pour l’accueillir, au risque qu’il n’entre pas du tout ?

44 Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra.

Ce verset répète exactement le verset 42 !

42 Veillez donc,                                             car vous ne savez pas quel jour                   votre Seigneur vient.

44 Tenez-vous donc prêts, vous aussi :        c’est à l’heure où vous n’y penserez pas      que le Fils de l’homme viendra.

Le « vous aussi » du verset 44 n’est là qu’en référence à la parabole, il ne change rien.
Si le verset 42 parle d’un jour inconnu, le verset 44 parle d’une heure où ne n’y penserons pas, ce qui ajoute à l’ignorance, l’imprévoyance.
Enfin le verset 42 parle d’une venue imminente, d’où le présent, le 44 d’une venue indéterminée, au futur, mais l’un comme l’autre affirme, sans doute possible, cette venue. Les différences sont donc minimes, le fait majeur est qu’en 3 versets, l’évangéliste fait une véritable répétition, qui montre l’importance de ce qui est dit. Nous devons veiller et être prêts, nous ne saurons jamais le délai ou la date, mais le Seigneur vient certainement.

Et nous ? Sommes-nous conscients et même convaincus de l’importance de veiller, de la nécessité même de veiller ? Sommes-nous convaincus que le Seigneur vient ?

 

En guise de conclusion :

Ce texte insiste donc sur quelques points :

  • 1-Le Seigneur seul est maître du temps.
  • 2-Nous, nous sommes ignorants des délais et des dates.
  • 3-Il nous faut donc veiller.
  • 4-Le Seigneur vient, c’est sûr !
  • 5-Nous risquons d’être surpris, nous pourrions alors passer à coté du Seigneur, de sa venue, de son Salut.

Il faudrait ajouter à cela l’imminence de cette venue, imminence certaine du point de vue de Dieu mais qui peut nous paraître plus hypothétique ou douteuse. Pour que notre foi ne trébuche pas sur ce point, laissons-nous enseigner par st Bernard :

Il y a une triple venue du Seigneur.
Dans sa première venue, il a paru sur la terre et il a vécu avec les hommes. Ils l’ont vu et l’ont pris en haine.
Lors de sa dernière venue, toute chair verra le salut de notre Dieu et ils regarderont celui qu’ils ont transpercé.
La venue intermédiaire, elle, est cachée : les élus seuls la voient au fond d’eux-mêmes et ils sont sauvés. (st Bernard, sermon pour l’Avent)
« Les élus voient cette venue » quand il découvre en eux la présence du Seigneur, quand ils laissent retentir en eux la Parole de Dieu, quand ils vivent de la grâce des sacrements, présence réelle et agissante de Dieu dans le cœur des croyants, quand ils lui parlent dans la prière et entendent sa réponse, quand ils le reconnaissent dans le petit auquel ils rendent service. Quand ils font cela, les chrétiens veillent et même mieux, ils accueillent le Seigneur qui vient à eux, qui vient en eux.
Si nous faisons cela, nous n’avons plus à douter ou à croire que le Seigneur vient : nous le voyons, nous l’expérimentons dans notre vie de tous les jours. Et puisque nous l’avons en nous, nous savons que nous ne serons pas surpris par sa venue dans la gloire. Comment être surpris par Lui, alors qu’Il est déjà avec nous et en nous ?
Pour nous convaincre st Bernard ajoute :
Pour que personne ne pense que cette venue intermédiaire est de notre invention, écoutons ce que le Seigneur dit lui-même: “Si quelqu’un m’aime, il gardera mes paroles, mon Père l’aimera et nous viendrons à lui”. (idem)
Et il conclut
Si tu t’es mis à garder en toi la Parole de Dieu, nul doute qu’elle ne te garde aussi. Le Fils viendra à toi avec le Père. (idem)
Ainsi enseignés, agissons en disciples pour contempler la venue du Seigneur en nous qui donne sens à sa première venue à Noël et qui nous prépare à sa dernière venue à la fin des temps.
Cette méditation de st Bernard nous permet aussi de faire le lien entre ces différentes venues et de comprendre non seulement pourquoi nous avons un tel texte pour le premier dimanche de l’Avent mais aussi le lien intrinsèque qui existe entre ce début d’avent et la fin du temps ordinaire de l’année liturgique précédente qui nous donnait à contempler le Christ- roi de L’univers. Le petit bébé de la crèche, le roi triomphant sur l’univers n’auront de sens que pour ceux qui auront décidé aujourd’hui et tous les jours de leur vie, de faire du Christ l’hôte et le roi de leur cœur !

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