Dimanche 18 septembre
25e dimanche ordinaire (C)
Évangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 16, 1-13))
En ce temps-là, 01 Jésus disait encore aux disciples : « Un homme riche avait un gérant qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.
02 Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.”
03 Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ? Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte.
04 Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.”
05 Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître. Il demanda au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?”
06 Il répondit : “Cent barils d’huile.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.”
07 Puis il demanda à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” Il répondit : “Cent sacs de blé.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu, écris quatre-vingts.”
08 Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ; en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.
09 Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.
10 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.
11 Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?
12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ?
13 Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
Lecture ligne à ligne
En ce temps-là, 01 Jésus disait encore aux disciples :
Notons le contexte de cet évangile. Si nous avons changé de chapitre, nous sommes pourtant dans la suite immédiate des trois paraboles de la miséricorde expliquées dimanche dernier. Or l’auteur dit « disait encore ». Il va donc falloir faire un lien avec la parabole qui suit. Celle-ci parle du rapport à l’argent. Nous sommes loin de la miséricorde de Dieu mais pas si loin du péché des deux fils : le cadet a rassemblé tout ce qu’il avait et du coup il a abandonné son Père, l’ainé est en colère qu’on ne lui ait jamais donné un chevreau pour festoyer avec ses amis : il aurait voulu posséder lui aussi quelque chose, d’ailleurs le principal reproche fait à son frère n’est pas de les avoir abandonnés mais d’avoir « dévoré ton bien » (cf. Lc 15, 30). Ce qui met en colère contre son père c’est donc ce qu’il fait de ses biens…La nouvelle parabole nous interroge sur ce que nous allons faire de nos biens, ou en tout cas de ceux qui nous sont confiés.
Et nous ? Pouvons-nous faire le lien entre ce que nous faisons et la miséricorde de Dieu ? Sommes-nous conscients de cette miséricorde qui nous accompagne toujours ?
« Un homme riche avait un gérant
Ce n’est évidemment pas la seule parabole qui commence par la mention d’un homme riche par exemple la parabole du riche insensé :
16 Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont le domaine avait bien rapporté. (Lc 12, 16)
Ou le riche et le pauvre Lazare, parabole qui suit de près notre texte :
19 « Il y avait un homme riche, vêtu de pourpre et de lin fin, qui faisait chaque jour des festins somptueux.
20 Devant son portail gisait un pauvre nommé Lazare, qui était couvert d’ulcères. (LC 16, 19-20)
Dans ces deux paraboles le riche est pris en exemple de ce qu’il faut éviter car il est aveuglé par sa richesse. Mais ici, le riche est au contraire celui qui va s’opposer au gérant.
Là encore ce n’est pas la seule parabole qui met en avant un gérant, ou plutôt il est question d’un intendant mais sa tache nous décrit bien un gérant :
Le Seigneur répondit : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? (Lc 12,42)
Dans cette parabole il est question d’un intendant fidèle ce qui n’est pas le cas dans notre texte. Celui-ci semble donc s’ingénier à prendre le contrepied de tous les autres textes, cela nous prépare à la leçon étonnante qui nous sera donnée.
Et nous ? Acceptons-nous de nous laisser surprendre par la Parole de Dieu ? Pouvons-nous accepter de ne pas savoir tout et à l’avance ? Sommes-nous des disciples qui découvrent et se laissent enseigner ? Quelle est notre dernière découverte liée à la Parole de Dieu ?
qui lui fut dénoncé comme dilapidant ses biens.
Voici un nouveau lien avec la parabole des deux fils du chapitre précédent :
13 Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre. (Lc 15, 13)
Outre le même mot « dilapider » utilisé dans les deux cas, nous comprenons aisément que le gérant qui dilapide les biens de son maître introduit un désordre puisqu’il fait le contraire de sa mission. Il n’est donc pas très compliqué d’estimer que le maître est comme le Père et que le gérant est comme le fils cadet. Celui-ci est passé du péché et de l’abandon du Père au retour et à la miséricorde, nous verrons ce que deviendra ce gérant.
Et nous ? Bien souvent quand nous faisons le mal, quand nous péchons, nous introduisons aussi du désordre dans le monde et pour les gens qui nous entourent. Notre mal n’a pas de conséquence que pour nous mais aussi pour ce qui nous entourent et pour le monde. Sommes-nous conscients de cela ? Et que faisons-nous pour réparer ce que nous avons ainsi abîmé ?
02 Il le convoqua et lui dit : “Qu’est-ce que j’apprends à ton sujet ? Rends-moi les comptes de ta gestion, car tu ne peux plus être mon gérant.”
Il faut ici sans doute faire le parallèle avec une autre parabole : celle du débiteur impitoyable. Notons qu’elle prend place aussi dans un contexte de miséricorde :
21 Alors Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? (Mt 18, 21)
Elle commence ainsi
23 Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs. (Mt 18, 23)
Il s’agit bien de rendre des comptes. Et comme le serviteur a une dette trop lourde il doit être vendu avec toute sa famille. Autrement dit « tu ne peux plus être mon serviteur ».
Le roi représente ^rement le Seigneur et le moment de régler les comptes représente le jour du jugement. Voilà qui introduit une nouvelle dimension dans cette parabole : il s’agit du jugement et donc du salut. S’il est question de la vie ordinaire où le gérant est infidèle, la conséquence n’est pas sur sa vie quotidienne mais bien sur son Salut !
Et nous ? Pouvons-nous comprendre et accepter que même les plus petits actes de notre vie quotidienne nous préparent à paraître devant Dieu ? Ce n’est pas seulement sur tel ou tel acte plus décisif ou plus spectaculaire que nous serons jugés, pas plus que sur des intentions ou des orientations générales, c’est sur ce que nous aurons fait dans les grandes occasions comme dans le quotidien et les petites affaires. C’est là que nous nous montrons fidèles ou pas. C’est le sens de la conclusion de la parabole des talents (CF Mt 25 14-30) :
“Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.” (Mt 25, 21)
03 Le gérant se dit en lui-même : “Que vais-je faire, puisque mon maître me retire la gestion ?
Là encore nous retrouvons deux paraboles que nous avons évoquées : les deux fils et le riche insensé.
17 Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim !
C’est bien la même chose que fait le fils cadet et que fait le gérant… quant au riche insensé :
17 Il se demandait : “Que vais-je faire ? Car je n’ai pas de place pour mettre ma récolte.”
18 Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire (…)
19 Alors je me dirai à moi-même (Lc 12, 17-19)
Si le premier « il se dit » ne suffisait pas la seconde expression, « je me dirai à moi-même » montre bien ce voyage intérieur : le riche insensé fait ce que fait le gérant.
La question est toujours la même : « que vais-je faire » et pour l’un comme pour l’autre, il n’y a pas de recherche de ce qui est bien à faire mais plutôt de ce qui va leur faire du bien. C’est l’égoïsme qui domine.
Le cadet se convertit par son introspection, l’insensé va au bout de sa folie… Qu’en est-il du gérant ?
Et nous ? Sommes-nous capables de cette introspection ? Sommes-nous prêts à regarder notre vie en vérité ? Est-ce l’occasion d’une conversion ? Ou bien en sortons-nous conforter dans notre égoïsme ou notre orgueil ?
Travailler la terre ? Je n’en ai pas la force. Mendier ? J’aurais honte.
Voici que le gérant se confronte à ses propres faiblesses ou incapacité. C’est bien ce que le fils cadet a vécu :
16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
17 Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim ! (Lc 15, 16-17)
Il constate son indigence (je meurs de faim) et son incapacité (personne ne lui donnait rien) mais du moins est-il capable de se décentrer de lui-même pour trouver une référence supérieure : son père. Le gérant lui ne voit que lui-même, ses pauvres forces ou sa honte. Parce qu’il est tourné uniquement sur lui-même aucune solution honnête ne lui paraît envisageable. L’honnêteté suppose un minimum d’ouverture aux autres pour pouvoir échanger, c’est-à-dire donner et recevoir. Il faut accepter de ne pas être tout puissant ou, ce qui revient au même, de ne pas être totalement indépendant et auto-suffisant.
Et nous ? Voulons-nous comme ce gérant nous en sortir par nos propres forces ? Pouvons-nous chercher autour et au-dessus de nous ceux qui nous aideront et nous complèteront pour que nous puissions avancer honnêtement ?
04 Je sais ce que je vais faire, pour qu’une fois renvoyé de ma gérance, des gens m’accueillent chez eux.”
Le fils cadet dit « je me lèverai », il décide d’agir et de retourner vers le Père, il vit une conversion. Le gérant dit « je sais », il veut contrôler et pense mais n’agit pas encore. Il en reste à ses vieilles habitudes injustes. Il oppose le « maître » et les « gens », l’un qui le « renvoie » et les autres qui l’accueilleront ». Il est de ceux qui divisent et utilisent. Il est le jeu du diable car « diable » signifie « diviseur ». Pour lui la conversion n’est pas possible.
Et nous ? Sommes-nous de ceux qui changent ou de ceux qui s’entêtent ? Pouvons-nous citer une chose que la Parole de Dieu nous a poussé à changer ou à transformer dans notre vie ? Prenons conscience de la lumière de Dieu dans nos vies, laissons-le nous guider.
05 Il fit alors venir, un par un, ceux qui avaient des dettes envers son maître.
Voyons la conséquence directe de ce mauvais choix : le maître l’a convoqué et à son tour il convoque les débiteurs de son maître. Il se prend pour lui ou veut en tout cas, prendre sa place. C’est le péché par excellence, celui d’Adam et Eve qui se sont laissé ainsi séduire par le serpent :
Le serpent dit à la femme : « Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !
05 Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Gn 3, 4-5)
Devenir comme des dieux pour ne plus avoir besoin de Lui. Notez que, eux aussi, seront renvoyés d’auprès de Dieu et devront « travailler la terre ».
Et nous ? Avons-nous l’humilité de reconnaître que nous ne sommes que des serviteurs ? Acceptons-nous les reproches et les punitions ? Ou bien ajoutons-nous le mal à notre mal pour chercher à nous sauver nous-même sans Dieu ?
Il demanda au premier : “Combien dois-tu à mon maître ?”06 Il répondit : “Cent barils d’huile.”
Le maître a demandé des comptes et il laisse le temps à ce gérant de mettre ses affaires en ordre. Autrement dit il lui fait encore assez confiance pour lui donner une ultime chance de remettre les choses en ordre. Sinon comment cet homme aurait-il pu convoquer ainsi les débiteurs et continuer à leur parler de leur dette. Jusqu’au bout le Seigneur fait confiance contre toute attente, jusqu’au bout il offre la possibilité de se racheter.
La première dette est d’huile : l’huile symbolise la force et la consécration, elle est à la fois richesse et première nécessité. Il y a cent barils, Cent est le nombre qui présente le tout, l’infini la grande quantité. Autrement dit c’est une très grande dette, très nécessaire et signe d’opulence. Cela nous indique la richesse des dons du maître mais aussi qu’il n’y a rien que respecte ce gérant.
Et nous ? savons-nous profiter de cette miséricorde inépuisable du Seigneur ? Est-ce pour nous l’occasion de nous réformer, de nous convertir, ou comme ici l’occasion de nous enfoncer encore ?
Le gérant lui dit : “Voici ton reçu ; vite, assieds-toi et écris cinquante.”
Il agit non comme celui qui rend les comptes mais comme celui qui les trafique ! il réduit de moitié la dette, c’est un cadeau substantiel pour le débiteur mais une escroquerie importante pour le maître. Nous en tirons la conclusion que le maître préfère, alors qu’il sait la malhonnêteté de ce gérant, risquer de perdre toute cette huile et d’avantage encore que de perdre une occasion de renouer la confiance et de convertir son gérant.
Si l’on cherche malgré tout quelque chose de positif on pourra dire que le gérant a, à la fois conscience de tout ce qui est dû au maître, et à la fois conscience de ce que lui peut exiger. Il se sait débiteur lui-même et pour cela a beaucoup de compassion pour les autres débiteurs. S’il est malhonnête, il est aussi solidaire des autres et indulgent. C’est peut-être facile puisque cela ne lui appartient pas, mais il n’a pas essayé de couvrir ses dettes ou de s’enrichir en prenant plus que le dû. Il cherche une solution qui fera gagner les deux : lui et le débiteur. C’est la première de ses réactions où il ne pense pas qu’à lui.
Et nous ? conscients de notre propre péché, sommes-nous indulgents et compatissants avec nos frères pécheurs ? Sommes-nous capables de chercher pour tous (mais avec et non contre la grâce de Dieu) des solutions profitables à tous ?
07 Puis il demanda à un autre : “Et toi, combien dois-tu ?” Il répondit : “Cent sacs de blé.” Le gérant lui dit : “Voici ton reçu, écris quatre-vingts.”
Le procédé est renouvelé, signe qu’il a agi de même avec tous, le nombre cent est de nouveau présent, signe que, en fait de dette, il lui doit tout. Cette fois c’est du blé, la base de toute la nourriture, c’est comme dire je dois toute ma vie ! et si la remise est moins importante c’est aussi parce que la valeur générale est plus relative : de même qu’il y a une proportion dans la récompense (cf. la parabole des talents) ainsi il y a une proportion dans la dette ou la remise.
Et nous ? C’est bien notre cas, nous devons tout à Dieu, à commencer par notre vie, mais en sommes-nous conscients et reconnaissants ?
08 Le maître fit l’éloge de ce gérant malhonnête car il avait agi avec habileté ;
Nous avons monté au début comment les paraboles sont évoquées mais comme prise à contrepied, ici c’est la conclusion qui nous surprend. Il faut commencer par remarquer que le gérant est encore dénoncé comme malhonnête. Ce n’est donc pas l’éloge de la malhonnêteté qui est fait, celle-ci est rappelée et dénoncée. C’est son habileté. Il a su prévoir l’avenir (Cf. V4 : pour que des gens m’accueillent chez eux), se servir des moyens qu’il avait : les richesses de son maître, trouver une solution avantageuse pour les deux : le débiteur doit moins et lui obtient l’amitié de celui-ci. Il faut donc comprendre plutôt « il fit l’éloge de l’habileté de ce gérant malgré sa malhonnêteté » et même encore plus, « bien que ce soit un malhonnête, le maître décida de faire remarquer l’habileté de son gérant ».
Il reste une question : si le maître a décidé de se séparer de cet homme avant même qu’il ne fasse cette ultime escroquerie, comment peut on imaginer que, victime une nouvelle fois, il fasse ainsi l’éloge de quoique ce soit en cet homme ? D’ailleurs, il faudrait pour cela qu’il ait découvert la supercherie, ce qui rend peu convaincante la soi-disant habileté du gérant ! D’ailleurs la parabole ne parle pas d’un maître mais d’un homme riche, c’est le gérant qui parle de son « maître » et non Jésus qui désigne l’homme riche comme tel. Il est donc probable que Saint Luc parle alors de Jésus, le maître, qui fait l’éloge de l’habileté et non du gérant qui n’est qu’un personnage fictif de sa parabole.
Et nous ? Comment comprenons-nous ce passage ? Pouvons-nous nous confronter à ce qui semble surprenant ou à ce qui nous résiste ? Saurons-nous nous focaliser sur la qualité sans la laisser disparaître à cause des défauts flagrants qui l’entoure ? N’espérons-nous pas cela de Dieu : qu’il voit nos pauvres efforts et nos quelques vertus malgré nos nombreux péchés et nos vices si envahissants ?
en effet, les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.
Voici qui confirme que le maître n’est pas le riche de la parabole mais bien Jésus car c’est lui qui parle ainsi des fils de ce monde et des fils de la lumière. Voilà qui nous renvoie par exemple à ce texte de saint Matthieu :
14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée.
15 Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
16 De même, que votre lumière brille devant les hommes : alors, voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. (Mt 5, 14-16)
Le « vous » désigne ses disciples. Ainsi la lumière est du côté des disciples qui ont reçu la Parole et non de monde qui l’ignore. Les fils de la lumière sont donc ceux qui sont nés de la Parole et la sagesse de Dieu, les disciples qui rayonnent de la gloire même de Dieu. Les fils des ténèbres ceux qui sont nés d’un monde sans Dieu, sans sa parole.
On trouve encore ailleurs :
34 Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
35 Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari,
36 car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. (Lc 20, 34-36)
Il y a donc opposition entre les enfants de ce monde et ceux qui ont part au monde à venir, qui ne peuvent mourir, qui sont semblables aux anges. Ceux-là sont « fils de Dieu » et le Christ est la lumière comme le dit si bien Saint Jean :
09 Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. (Jn 1, 9)
Malgré toutes ces caractéristiques merveilleuses, les enfants de la lumière sont peu habiles entre eux.
Et nous ? Sommes-nous des enfants de lumière ? Comment le manifestons-nous ? saurons-nous mettre toute notre habileté au service de cette lumière ? Comment ?
09 Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête,
Le “Eh bien moi je vous dis”, rend au style direct ce que « le maître fit son éloge » introduisait au style indirect. Le texte original personnifie « l’argent malhonnête”, comme si c’était un Dieu qui s’opposait au maître ou au « Et moi » qui vient d’être cité.
L’invitation est à la fois de reconnaître la malhonnêteté de l’argent mais aussi qu’on peut s’en servir pour une fin bonne et heureuse ; se faire des amis. L’argent n’est plus un mal en soi mais quelque chose qui pourrait devenir une idole, mais qui peut aussi être un serviteur d’une bonne cause.
L’argent malhonnête c’est celui qui veut passer pour Dieu et éloigne du vrai Dieu en asservissant l’homme. Mais l’argent peut être un moyen de se faire des amis qui nous font grandir dans l’amour et ainsi mieux aimer Dieu. Comme le dit la première lettre de Saint Jean :
Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu, qu’il ne voit pas. (1jn 4, 20)
C’est donc en aimant ceux que nous voyons que nous grandissons dans l’amour de Dieu : les amis sont le chemin vers le Père.
Et nous ? Savons-nous assez aimer nos frères ? Est-ce que cet amour nous apprend à aimer ? Est-ce que nous progressons ainsi dans l’amour de Dieu ?
Afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles.
Si ce verset est l’interprétation de la parabole, nous voyons que les débiteurs devenus amis qui accueilleront dans leur maison sont ici des amis qui accueillent dans les demeures éternelles, donc au paradis, ce sont donc des saints. Et nous sommes invités à être comme ce gérant qui s’en est fait des amis. Mais si nous avons remis leur dette qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit sans doute d’avoir participé à leur rédemption en intercédant pour eux. C’est à cela que servent les intercessions et les offrandes de messes ou de neuvaines pour les morts : notre amour pour eux et notre confiance en Dieu leur obtient un passage plus « rapide » ou plus « aisé » vers le ciel car :
08 Avant tout, ayez entre vous une charité intense, car la charité couvre une multitude de péchés.
C’est aussi cela la communion des saints : nos sacrifices et notre charité ici-bas sur terre obtiennent de couvrir les péchés de ceux qui nous précèdent au ciel.
Mais nous voyons aussi qu’il est dit de l’argent malhonnête qu’« il ne sera plus ». Cela peut signifier, que morts nous même nous n’aurons plus d’argent. Ainsi le psaume 48 :
13 R/ L’homme comblé ne dure pas : il ressemble au bétail qu’on abat.
14 Tel est le destin des insensés et l’avenir de qui aime les entendre :
15 troupeau parqué pour les enfers et que la mort mène paître. A l’aurore, ils feront place au juste ; dans la mort, s’effaceront leurs visages : pour eux, plus de palais !
16 Mais Dieu rachètera ma vie aux griffes de la mort : c’est lui qui me prendra.
17 Ne crains pas l’homme qui s’enrichit, qui accroît le luxe de sa maison :
18 aux enfers il n’emporte rien ; sa gloire ne descend pas avec lui.
19 De son vivant, il s’est béni lui-même : « On t’applaudit car tout va bien pour toi ! »
20 Mais il rejoint la lignée de ses ancêtres qui ne verront jamais plus la lumière.
21 R / L’homme comblé qui n’est pas clairvoyant ressemble au bétail qu’on abat. (Ps 48, 13-21
Il y a d’abord l’homme comblé, celui qui s’est enrichi, qui a un palais… Mais s’il n’est pas clairvoyant (comme celui qui s’est fait des amis avec son argent) il disparaît. Et on dit qu’il ne voit plus la lumière, il n’est donc pas fils de lumière. Celui-là, mort, « aux enfers n’emporte rien », donc pour lui l’argent n’est plus.
Mais si on dit que quand l’argent n’est plus nous devons être accueillis dans les demeures éternelles, cela peut aussi signifier que l’argent représente, symbolise toute notre vie terrestre. L’avis que nous donne le Seigneur est alors que toute notre vie terrestre si trompeuse et pleine de péchés doit servir à nous faire des amis au ciel, autrement dit nous devons expérimenter dès ici-bas la communion des saints pour y trouver pleinement notre place au jour de la mort.
Et nous ? Notre vie sur Terre est-elle comme une introduction, une préparation à la vie du Ciel ?
Est-ce que nous avons une vraie charité pour nos ports, est-ce que nous intercédons pour eux ? Offrir une messe pour l’intention d’un défunt c’est couvrir par notre amour et l’amour du Christ qui s’offre sur l’autel une multitude de ses péchés : voilà qui est des plus charitables, encore faut il que nous y croyions, que nous espérions pour eux, que nous les aimions !
10 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande.
Nous avons déjà cité la conclusion de la parabole des talents qui exprime exactement la même chose :
“Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur.” (Mt 25, 21)
Elle ajoute cependant une chose qui nous aide à comprendre : « entre dans la joie de ton Seigneur ». Ainsi la fidélité ou la confiance font entrer dans cette joie qui est au cœur du maître. Il s’agit d’une intimité et d’une rencontre cœur à cœur entre le maître et son bon serviteur, rendu possible par la confiance, par la fidélité. Nous avons déjà dit que ces paraboles s’orientent vers une visée eschatologique, vers le jugement et le salut. Nous voyons ici que ce jugement est en nous et non en Dieu qui ne fait que constater notre choix : le Dieu argent ou le Dieu amour, la fidélité ou la trahison. Ce monde matériel, régit par les rapports de pouvoirs de richesses et d’argent, peut être le lieu de la rencontre et de la croissance dans la confiance et la fidélité avec Dieu, ou le lieu du repli sur soi et de la vaine gloire. Pour savoir quelles sont les petites et grandes choses il faut attendre les versets suivants.
Et nous ? Que cherchons-nous dans ce monde : honneur, pouvoir, gloire et richesse ? ou bien amour, compassion, foi et espérance en Dieu et intimité et communion avec Lui et avec tous les anges et les saints ? Et quels moyens nous donnons-nous pour parvenir à notre but ?
11 Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ?
12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ?
Les petites choses se sont donc l’argent malhonnête et ce qui appartient à autrui. De l’agent malhonnête nous avons déjà parlé, quant à ce qui appartient à autrui il faut sans doute penser à tout ce qui est dans ce monde et que finalement nous laisserons à d’autres après nous, ce qui fait dire au sage que cela est vanité :
je trouve mauvais ce qui se fait sous le soleil : tout n’est que vanité et poursuite de vent.
18 Je déteste tout ce travail que j’accomplis sous le soleil et que je vais laisser à mon successeur.
19 Qui sait s’il sera sage ou insensé ? Ce sera lui le maître de tous ces travaux accomplis par ma sagesse sous le soleil. Cela aussi n’est que vanité ! (Qo 2, 17-19)
Et encore
21 Un homme s’est donné de la peine ; il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi n’est que vanité (Qo 2, 21)
Quant aux grandes se sont le bien véritable et ce qui nous revient.
Pour comprendre les biens véritables voici trois citations :
Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain venu du ciel ; c’est mon Père qui vous donne le vrai pain venu du ciel. (Jn 6, 32)
Et
Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebi (Jn 10,11)
Et enfin
« Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.
La vérité, le vrai pain, le vrai berger, c’est toujours du Christ qu’il s’agit, non pas en tant qu’homme et que fils de Marie, mais en tant que fils de Dieu venu du ciel. Ainsi les biens véritables sont ceux qui nous viennent du Ciel et nous sont donnés par le Christ. C’est la définition de la grâce, celle qui nous fait vivre et nus habite (d’où son nom de grâce habituelle) et celle qui nous fait avancer, occasion par occasion, action par action (d’où son nom de grâce actuelle).
Ce qui nous revient nous le trouvons par exemple à la fin des béatitudes :
11 Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12 Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! (Mt 5, 11-12)
Ou à propos des conseils évangéliques du sermon sur la montagne :
Ton Père qui voit dans le secret te le rendra. (Mt 6, 4)
Autrement dit ce qui nous revient ne vient as tant de nous que de la promesse de Dieu. Là encore c’est une grâce qui nous est accordé en récompense de la manifestation de la bonté de Dieu en nous ce qui est incroyable mais fait dire à st Jean :
Nous avons reçu grâce après grâce (Jn 1, 16)
Car la première grâce c’est l’amour de Dieu qui se manifeste en nous, et à cause de cette grâce Dieu nous comble de grâces ; quelle bonté !
Et nous ? Quel parti allons-nous choisir : celui de la richesse ou celui de la grâce, celui des biens ou celui du Bien, celui du monde ou celui de Dieu ?
13 Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre.
Nous retrouvons, à travers cet avis de bon sens, la parabole de l’intendant fidèle déjà évoqué :
« Que dire de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ?
43 Heureux ce serviteur que son maître, en arrivant, trouvera en train d’agir ainsi !
44 Vraiment, je vous le déclare : il l’établira sur tous ses biens.
45 Mais si le serviteur se dit en lui-même : “Mon maître tarde à venir”, et s’il se met à frapper les serviteurs et les servantes, à manger, à boire et à s’enivrer,
46 alors quand le maître viendra, le jour où son serviteur ne s’y attend pas et à l’heure qu’il ne connaît pas, il l’écartera et lui fera partager le sort des infidèles.
L’un sert le maître, c’est-à-dire Dieu, l’autre se sert lui-même, il se comporte comme un maître et un mauvais maître, il profite des biens matériels, de ce qui s’achètent avec l’argent. Il se met à aimer l’argent, l’alcool et la violence et donc à hait sa mission d’intendant, et son maître… C’est bien ce que dénonce Jésus. Il en est de même du gérant malhonnête, tellement épris de l’argent qu’il dilapidait celui de son maître ainsi pris en haine ou au moins considéré avec mépris absolu, ce qui revient au même.
Et nous ? Est-ce que nous aimerons notre vie au point de rejeter Dieu ou bien est-ce que nous aimerons notre Dieu au point de perdre notre vie ? C’est ce que demande ailleurs le Seigneur :
24 Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.
25 Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. (Jn 12, 24)
Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. »
Quand on parle de Dieu, servir n’est pas seulement rendre un service mais accepter d’être asservi. Autrement dit le service de Dieu c’est mettre toute sa liberté, toute sa volonté à la disposition de Dieu et de l’avènement de son règne, à l’accomplissement des ses dessins. Puisque l’argent est ici mis sur un pied d’égalité et de comparaison, il s’agit non pas du moyen pour des échanges mais du « dieu-argent », de l’argent considérée comme une fin en soi ou comme un but dans la vie, de l’argent divinisée. Mais il n’y a qu’un seul Dieu, il ne peut donc pas y avoir de place pour l’argent, sauf à évincer le Dieu véritable…
Et nous, sommes-nous ceux dont Jésus dit à la Samaritaine :
L’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. (Jn 4, 23)
En guise de conclusion :
il y a donc de nombreuses similitudes ou de grands liens entre les paraboles de la miséricorde et cette parabole. Le Seigneur Jésus s’attache à montrer le péché de ce gérant malhonnête, en lien avec l’objet de sa miséricorde évoquée dans les paraboles du chapitre précédent. Pourtant il nous prend à contre-pied en faisant l’éloge de l’habileté de cet homme. Il nous montre ainsi que nous ne devons pas nous arrêter à un défaut ou à une faiblesse mais tout faire concourir au bien et au projet de Dieu. Tout, cela signifie même l’argent et les biens matériels qui du coup cessent d’être un but en soi et redeviennent ce qu’ils auraient dû rester : un instrument pour faire du bien et donc se faire des amis, y compris dans la communion des saints et donc par-delà la mort. C’est ainsi que nous choisissons en vérité qui est notre Dieu celui que nous voulons servir, celui à qui nous confions notre vie, Celui que nous adorons.