Évangile du 6 mars

Lectio Divina du Dimanche 6 mars 2022 : 1er de Carême (C)

 
Evangile de Jésus Christ selon st Luc (Lc 4, 1-13)

En ce temps-là, après son baptême, 01 Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert
02 où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
03 Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
04 Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »
05 Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.
06 Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux.
07 Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
08 Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
09 Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ;
10 car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ;
11 et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
12 Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
13 Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.

Lecture ligne à ligne

En ce temps-là, après son baptême, 01 Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ;

Dans la narration, ce texte arrive juste après le baptême, même si dans le fil de l’Evangile ? Il y a entre les deux la mention des généalogies de Jésus. Ce fait n’est pas anodin : lors du baptême, c’est l’Esprit qui descend sur Jésus sous la forme corporelle d’une colombe et c’est encore l’Esprit qui pousse Jésus au désert. Ainsi est bien marquée son appartenance à Dieu, son action conjointe avec l’Esprit. Mais les généalogies l’enracinent dans la famille et dans l’histoire humaine. Dès le début de la vie publique, l’Evangéliste insiste sur la double nature du Christ, divine et humaine. Il ne s’agit pas de théorie mais de constatation (visuelle pour ce qui est de la colombe et historique pour les généalogies qui étaient si importantes aux yeux des juifs pour montrer qu’ils appartenaient bien au peuple élu).

Et nous ? Sommes-nous capables, à la fois de nous émerveiller de la grandeur de notre Dieu, et de nous réjouir de sa proximité ? Dans notre vie, qu’est-ce qui célèbre ou honore cette grandeur ? Qu’est-ce que cette proximité change pour nous ?

dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert

On peut noter le contraste entre « les bords du Jourdain » et « à travers le désert », plaine luxuriante d’un côté et désert aride de l’autre. Mais le contraste en appelle d’autre : au Jourdain, la foule était présente ; au désert, Jésus est seul… Au Jourdain, Jésus est révélé et encouragé par la vision de l’Esprit et la parole du Père ; au désert, il va affronter la faim et la tentation par le diable… au Jourdain, il ne dit rien : c’est le Père qui parle ; au désert, il va parler et citer la Parole de Dieu puisque le Père semble devenu silencieux !

Et Nous ? Dans les épreuves, les tentations… savons-nous faire appel au Père, à la Parole pour nous guider et nous diriger ? Avons-nous un texte, quelques phrases, quelques passages de la Parole qui nous touchent particulièrement et vers lesquels nous pouvons nous tourner spontanément et rapidement quand nous nous sentons fragiles ou tentés ? Quelles sont nos fondations, quels sont nos enracinements dans la Parole de Dieu pour tenir bon dans le combat spirituel ?

02 où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable.

La mention « quarante jours » n’est pas là par hasard. Le chiffre 40 est très présent dans le premier testament : en voici quelques exemples :

Et dans le Nouveau Testament, outre ces 40 jours au désert :

Toutes ces citations nous permettent d’établir le sens du chiffre : il s’agit d’alliance. Que ce soit entre Dieu et le peuple ou entre les patriarches et leur femme, et aussi du prophète marchant vers Dieu. Il s’agit aussi du peuple : purifié par le déluge ou par la marche au désert, éduqué par Dieu ou constitué par le don de la loi, sanctifié dans le temple ou par le Christ ressuscité, en bref le chiffre 40 nous parle du peuple constitué par l’alliance avec Dieu.

Quant à la tentation par le diable, elle n’est pas sans rappeler le début du livre de Job et l’étonnant dialogue avec Dieu :

06 Le jour où les fils de Dieu se rendaient à l’audience du Seigneur, le Satan, l’Adversaire, lui aussi, vint parmi eux.

Ainsi Jésus est d’emblée comparé au juste par excellence mais cela annonce aussi :

  • Combien il devra souffrir,

« Tu parles comme une insensée. Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » (Jb 2, 10)

  • Comme il sera incompris et injustement accusé :

Sofar de Naama prit la parole et dit :

« Un tel flot de paroles restera-t-il sans réponse ? Suffit-il d’être verbeux pour avoir raison ?

Tes bavardages feront-ils taire les gens, te moqueras-tu sans que nul te confonde ? (Jb 11, 1-3)

  • Comme il sera finalement l’intercesseur que Dieu s’est choisi pour sauver les hommes.

Offrez un holocauste en votre faveur, et Job mon serviteur intercédera pour vous. Uniquement par égard pour lui, je ne vous infligerai pas l’infamie méritée pour n’avoir pas parlé de moi avec justesse, comme l’a fait mon serviteur Job. (Jb 42, 8)

Et nous ? En quoi nos vies sont-elles un témoignage de notre appartenance au peuple de l’alliance avec Dieu ?
Pouvons-nous contempler l’accomplissement du Premier Testament dans la personne de Jésus ? Cela nous confirme-t-il dans notre foi à la Parole, notre foi au Christ ? notre foi au projet d’amour et de Salut du Père sur chacun de nous ?
Et puisque, par ces souffrances, le Seigneur nous a obtenu un sauveur et un intercesseur devant Dieu, que lui demandons-nous ? Comment nous remettons-nous entre ses mains ?

Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.

La mention des 40 jours sans manger renvoie évidemment à Moïse au Sinaï qui vient à la rencontre de Dieu pour recevoir les tables de la loi :

Moïse demeura sur le Sinaï avec le Seigneur quarante jours et quarante nuits ; il ne mangea pas de pain et ne but pas d’eau. Sur les tables de pierre, il écrivit les paroles de l’Alliance, les Dix Paroles. (Ex34.28)

Ainsi après avoir été comparé à Job, le juste, voici que Jésus est comparé à Moïse, le grand prophète, celui qui parlait à Dieu face à face.

Mais aussitôt l’évangéliste mentionne sa faim. Il insiste ainsi sur le fait qu’il partage notre nature humaine sujette aux nécessités de la nature. On pourra comparer à ce qui est dit ailleurs, par exemple aux disciples après la rencontre avec la samaritaine :

il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. »

33 Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? »

34 Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. (Jn 4, 32-34)

Ainsi, cette faim n’est-elle pas seulement matérielle, mais le Christ, poussé par l’Esprit au désert est maintenant avide d’aller faire la volonté de Dieu : annoncer la Bonne Nouvelle et propager le règne de Dieu. Mais il y a une mission qui est première : il doit d’abord combattre et vaincre le Tentateur.

Et nous ? Quelle est notre nourriture ? Je veux dire, quelle est notre nourriture spirituelle ? de quoi avons-nous faim ? De la Parole, de sacrements, de la prière, du service des frères, de la communion avec l’Eglise entière, de tout cela à la fois ?
Y a-t-il des faims qui viennent parasiter notre désir ? Pouvoir, richesses, gloire, tranquillité, confort, facilité, notoriété…

03 Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »

Voici le tentateur dans ses œuvres : Il insinue et cherche à entrer dans un dialogue piégé et plein de mensonges pour tromper et pousser son adversaire au mal. Il commence par une vérité mis en doute par le « si » initial qui montre que si Jésus ne fait pas ce qu’il dit, c’est qu’Il n’est pas le fils de Dieu. Ainsi avait-il agi avec Eve : Il lui pose d’abord une question piégée :

« Alors, Dieu vous a vraiment dit : “Vous ne mangerez d’aucun arbre du jardin” ? » (Gn 3,1)

Dieu a vraiment parlé à Adam et à Eve ; Dieu a vraiment parlé des fruits, mais il leur en a laissés la consommation libre sauf pour le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal…

Ensuite il mélange la vérité et le mensonge :

« Pas du tout ! Vous ne mourrez pas !

05 Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal.(Gn 3, 4-5)

La vérité, c’est qu’ils connaîtront le bien (qu’ils connaissent déjà) et le mal (qu’ils auront fait et qui donc les asservira) mais le mensonge c’est qu’ils ne seront pas comme des dieux et qu’à cause du mal, ils font entrer dans le monde, la mort dont ils seront victimes.

Ici, il part de la vérité : Jésus est bien Fils de Dieu, il a le pouvoir de transformer les pierres en pains, et même bien plus. Ainsi Jean Baptiste dit un jour aux pharisiens :

je vous le dis : des pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham. (Mt 3, 9)

mais il mêle cela avec la poursuite de son confort et de sa gloire personnelle, ainsi que le reniment du fait qu’il est aussi un fils d’homme. C’est la tentation de l’avoir, de la possession, de la richesse dont Jésus dira plus tard :

« Amen, je vous le dis : un riche entrera difficilement dans le royaume des Cieux.

24 Je vous le répète : il est plus facile à un chameau de passer par un trou d’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume des Cieux. » (Mt19, 23-24)

Le piège est bien tendu mais le Christ est plus fort que le tentateur.

Et nous ? Nous qui sommes moins forts que le tentateur, comment choisissons-nous de repousser ses assauts ?
Est-ce que nous discutons, nous négocions avec nos envies, nos pulsions, nos tentations ? Alors nous sommes déjà vaincus, c’est le sens de la phrase du Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation ».
Est-ce que nous résistons avec nos forces, nos principes et nos règles de vies ? alors nous sommes déjà sur la pente descendante et si nous n’avons pas encore été vaincus, ce n’est qu’une question de temps, le malin est trop fort pour nous.Est-ce que nous supplions le Seigneur de nous venir en aide, en nous nourrissant de sa Parole, en nous fortifiant par ses sacrements, en nous stimulant par le jeûne et la prière et en poussant toujours plus loin dans la charité et le service des frères ? Alors nous sommes déjà vainqueurs dans le Christ ou plutôt, le Christ a vaincu pour nous et en nous une fois pour toute.

04 Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »

C’est une citation du livre du deutéronome :

02 Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ?

03 Il t’a fait passer par la pauvreté, il t’a fait sentir la faim, et il t’a donné à manger la manne – cette nourriture que ni toi ni tes pères n’aviez connue – pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. (Dt 8, 2-3)

Notons que cela est raconté à l’occasion des 40 ans au désert, le chiffre 40 est toujours là. Dans l’évangile de Saint Luc, on s’en tient à la première phrase : « L’homme ne vit pas seulement de pain. » mais Saint Matthieu ajoute ce qui est à la suite de la citation : « mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur ». Voici qui fait le lien avec ce qui a été rappelé précédemment de la nourriture du Christ : faire la volonté du Père.

Et nous ? Pourrions-nous faire de ce temps de carême une période privilégiée pour lire, méditer et prier cette Parole qui est la nourriture que Dieu nous donne ?

05 Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.

Dans la phrase précédente nous voyons le diable à l’affût qui vient tenter Jésus dès que l’opportunité se présente. Maintenant, nous voyons qu’il prend l’initiative, c’est lui qui emmène Jésus. Au début de ce texte, il est écrit : « Dans l’Esprit, il fut conduit ». Ce qui montre une certaine liberté et une coopération de Jésus à l’Esprit. Mais ici, c’est : « le diable l’emmena » ce qui montre une passivité complète et un manque de liberté complète. Le diable n’agit pas comme l’Esprit, même si parfois, il voudrait se déguiser et se faire passer pour lui.

Et nous ? Quels moyens nous donnons-nous pour ne pas nous laisser abuser par le démon ? Il faut nous nourrir de la Parole telle que nous l’avons déjà dit ; il faut nous former et nous laisser enseigner par l’Eglise pour avoir une conscience plus claire ; il faut sans doute aussi être accompagné par un frère aîné dans la foi qui, par le beau service de la direction spirituelle, nous aidera à mieux percevoir les motions de l’Esprit.

06 Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux.

Cette vision extraordinaire, qui permet d’embraser d’un coup tous les royaumes de la terre, fait penser à la vision de Moïse aux portes de la terre promise :

01 Moïse monta des steppes de Moab au mont Nébo, au sommet du Pisga, qui est en face de Jéricho. Le Seigneur lui fit voir tout le pays : Galaad jusqu’à Dane,

02 tout Nephtali, le pays d’Éphraïm et de Manassé, tout le pays de Juda jusqu’à la Méditerranée,

03 le Néguev, la région du Jourdain, la vallée de Jéricho ville des Palmiers, jusqu’à Soar.

04 Le Seigneur lui dit : « Ce pays que tu vois, j’ai juré à Abraham, à Isaac et à Jacob de le donner à leur descendance. Je te le fais voir, mais tu n’y entreras pas. »

On voit ici le contraste entre le prophète qui voit miraculeusement toute la terre promise mais qui, en raison de son manque de foi dans le désert face au peuple, n’y entrera pas, et le Christ qui, par le diable, se fait promettre le monde entier dans lequel Il est déjà entré, promesse qu’Il n’accueillera pas. Cette promesse n’est pas faite, non par amour ou parce qu’il a été fidèle, mais pour servir la puissance orgueilleuse du diable. En fait, il ne s’agit pas d’une promesse mais d’un marché : le diable veut « acheter Jésus ». C’est la tentation du pouvoir, mais Jésus y répond ailleurs :

25 Jésus les appela et dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir.

26 Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ;

27 et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave.

28 Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mt 20, 25-28)

La grandeur du diable est puissance dominatrice et orgueil. La puissance du Christ est amour humble et serviteur.

Et nous ? Quelle grandeur voulons-nous ? Quelle place voulons tenir ou obtenir, dans ce monde, dans la vie de nos frères, dans l’Eglise, dans le cœur de Dieu ?

07 Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »

Voici qui nous montre bien comment fonctionne le diable : il veut être considéré comme Dieu. Ainsi avait-il dit à Eve « vous serez comme des dieux ». Ainsi, Dieu lui envoie comme adversaire lors du grand combat céleste, l’archange Michel dont le nom signifie « qui est comme Dieu ? » et le diable n’a pas eu le dessus !

Mais il promet les royaumes de ce monde à Jésus ; il confond le Royaume et les royaumes ; il confond le règne du Christ avec la puissance ou la terreur qu’inspirent le diable ou les tyrans. Il pense que pour arriver à ses fins, le Christ est prêt à tout, qu’Il pourrait utiliser tous les moyens. Mais le Christ ne veut pas régner par la force ou la terreur, le Christ ne veut pas imposer un royaume malgré les sujets. Au contraire, le royaume est d’abord Amour de Dieu pour chaque homme, service de Dieu pour libérer chaque homme de la mort et du péché, rencontre entre le Père et tous ses enfants. Non, le diable si malin ne comprend rien aux mots amour, miséricorde, communion, salut…

Et nous ? Quelles sont nos ambitions ? jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour elles ? Si elles sont bonnes, saurons-nous coopérer avec Dieu dans l’humilité ? Et si nous découvrons qu’elles nous entrainent à négliger Dieu ou nos frères, saurons-nous y renoncer ?

08 Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »

On trouve ainsi au premier commandement du livre de l’Exode :

03 Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi.

04 Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre.

05 Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, pour leur rendre un culte. (Ex 20, 3-5)

Et dans le parallèle du livre du deutéronome

07 Tu n’auras pas d’autres dieux que moi.

08 Tu ne feras aucune idole, aucune image de ce qui est là-haut dans les cieux, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux par-dessous la terre.

09 Tu ne te prosterneras pas devant ces images pour leur rendre un culte. (Dt 7-9)

Jésus répond à la tentation par la Parole de Dieu, à la tentation de la puissance par l’obéissance aux commandements.

Et nous ? Est-ce que ce texte nous fait comprendre que sans l’humilité et l’obéissance, nous n’arriverons à rien ?

09 Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple

Le lieu n’est plus désert ni mystérieux (v 5 : plus haut… ?), c’est le cœur de la foi du peuple hébreux, le lieu que Dieu a choisi pour y demeurer. Il y a une part de défi dans cette action du diable qui semble dominer le lieu saint. Jésus s’y laisse conduire comme au désert par l’Esprit car le temple est le lieu qui lui est approprié, le lieu pour sa mission. C’est déjà ce qu’il avait fait comprendre à la Sainte Vierge Marie, sa mère quand à 12 ans dans le temple, il lui avait dit :

«  Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (lc 2, 49)

Et nous ? Savons-nous où le Seigneur nous attend ? Savons-nous où le chercher, l’implorer et finalement le trouver ? Quels moyens prenons-nous pour nous trouver face-à-face avec Lui ?

et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ; 10 car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ;

Revoilà le défi lancé pour prouver qui est Jésus. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’avoir (les pains) ou le pouvoir (sur les royaumes) mais de valoir, de montrer sa grandeur, le prix qu’Il a aux yeux du Père et des anges. Il s’agit de se faire valoir comme Fils de Dieu. Mais Jésus est Fils, Il ne veut pas se faire valoir, il veut se faire croire. Ce qu’il demande, c’est la foi, pas la vision ; il ne veut pas s’imposer, il veut se donner. Ainsi st Paul nous rappelle :

Le Christ Jésus, 06 ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.

07 Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect (Phi 2, 5-7)

Si le Christ a ainsi renoncé à sa gloire divine pour se faire homme, ce n’est surement pas pour répondre au défi du diable et faire valoir ce qu’Il a accepté de déposer pour nous. Il est et reste le Fils de Dieu mais ce n’est pas sa gloire qu’il est venu nous imposer pour se faire valoir, c’est son amour qu’il est venu nous proposer en se faisant proche de nous, humble et petit.

Et nous ? Quelle foi avons-nous en lui ? Quelle espérance ? Quelle charité ?

11 et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »

Le diable fait assaut de citations bibliques : ici c’est le psaume 90 :

11 il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins.

12 Ils te porteront sur leurs mains pour que ton pied ne heurte les pierres (Ps 90, 11-12)

Mais il néglige le contexte :

02 je dis au Seigneur : « Mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »

03 C’est lui qui te sauve des filets du chasseur et de la peste maléfique (Ps 90, 2-3)

Ces versets montrent clairement que le refuge, la protection dont parlent les deux citations du diable ne sont en fait que pure grâce de Dieu (C’est lui qui te sauve) accordée à celui qui a la foi et s’en remet à Dieu (V2). En aucun cas, il ne peut s’agir d’un dû exigible au Seigneur. Celui qui, arrogant se jetterait dans le vide en exigeant assistance et protection du Seigneur, ne ferait que prouver son impiété et sa bêtise.

Et nous ? Il est temps pour nous de choisir : avec Dieu, sans Dieu ou contre Dieu ? Le diable voudrait nous pousser soit à nous opposer, soit à prétendre instrumentaliser Dieu. D’autres fois, il voudrait que nous essayions de vivre sans Dieu…Pour nous, la seule voie véritable, c’est de nous rappeler que nous sommes créatures, images et fils de Dieu. Tout ce que nous sommes, par notre nature ou par sa grâce n’a d’avenir que par Lui, avec Lui et en Lui !

12 Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »

Jésus aussi connait la Bible ! Il répond à son tour par une citation. Il ne s’agit pas de vouloir discuter avec le diable car il est menteur et dialoguer avec lui, c’est déjà se perdre. Jésus se contente d’invoquer l’autorité de la Parole et de montrer que le diable cherche à faire commettre une erreur ou une folie. Surtout, il revient à une relation de confiance et d’amour, non d’exigence de défi et de mise en demeure.

Il cite :

16 Vous ne mettrez pas le Seigneur votre Dieu à l’épreuve, comme vous l’avez fait à Massa.

17 Vous observerez avec soin les commandements du Seigneur votre Dieu, les édits et les décrets qu’il t’a prescrits. (Dt 6, 16-17)

Là encore, le contexte montre qu’il s’agit bien de comprendre la relation qu’un homme doit avoir avec Dieu : loin d’exiger quoique ce soit de lui, de le mettre à l’épreuve, il doit au contraire observer ses commandements, être humble et obéissant.

Et nous ? Quelle est notre relation à Dieu ? Est-ce en vérité que nous l’appelons « notre Père » ?

13 Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé.

L’Evangéliste reconnaît donc trois tentations :

  • Avoir : richesse, confort, possession avec droit de tout, tout de suite selon sa convenance, jouissance et gourmandise, avarice.
  • Pouvoir : volonté de puissance sur les autres, gloire, force brutale et terreur, colère,
  • Valoir : orgueil, réputation et exhibition. Volonté de paraître, d’être admiré ou célébré, jalousie.

Elles recouvrent toutes les tentations et donnent lieu à tous les péchés. Mais elle s’épuise face à la Parole de Dieu, à la vie dans l’Esprit à la confiance et à l’amour du Père. Face au Fils rempli de l’Esprit et tout entier tourné vers son Père, le diable ne peut que s’épuiser et s’éloigner. Mais il y aura un moment fixé, Jésus parle souvent de son heure, (cf Jn 2, 4 : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue. »), Où le prince de ce monde exercera son pouvoir qui viendra se briser sur le juste. La mort sera alors vaincue et le péché détruit.

Et Nous ? Nous voici renvoyés au mystère pascal, c’est là l’heure fixée… C’est le moment où le diable, repoussé au désert lors des tentations, sera définitivement vaincu sur la croix par la confiance absolue en Dieu qui n’abandonne pas son fidèle, qui peut même ressusciter les morts… Alors, en ce premier dimanche de carême, pouvons-nous déjà fixer les yeux sur Jésus crucifié pour y voir le symbole de notre victoire par l’Amour d’un Dieu qui se donne ? Pouvons-nous apercevoir le Christ ressuscité pour y découvrir la victoire de Dieu et la restauration de toute chose en Dieu pour l’éternité ?

En guise de conclusion :
ce qui ressort le plus de ce texte finalement, au-delà des tentations, c’est l’importance de vérifier notre attitude vis-à-vis du Seigneur. Le diable est tout en rapport de force, en recherche de puissance, de pouvoir, de gloire, de valoir, de richesses et d’avoir. Dieu est pour lui un adversaire ou un obstacle. Il veut toujours le défier, le mettre à l’épreuve en le poussant à se justifier, à se montrer, à dominer… Mais notre Dieu n’est pas comme cela. Jésus nous montre l’attitude vraie et bonne du Fils de Dieu qui veut nous apprendre à être fils : la confiance (la foi), l’humilité et l’obéissance doivent nous permettre une écoute attentive par laquelle nous recevrons vocation et mission pour ne pas nous perdre, lumière et promesse (Espérance) pour nous diriger et présence servante, rassurante et fortifiante pour nous tenir en sa présence et l’aimer (Charité).
Le diable veut s’émanciper et dominer, il ne trouve que mépris, défaite et esclavage de ses péchés. Jésus veut servir, louer et aimer ; il trouve une vraie liberté et la gloire qui n’est qu’à Dieu seul.
A nous de savoir choisir le bon camp : par la Foi, l’Espérance et la Charité, attachons-nous au Fils humble et obéissant pour participer à la gloire et à la joie du Père très aimant.

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